Carlo Vistoli chante Vivaldi au Grand Théâtre de Tours

Carlo Vistoli est un partenaire régulier de la célèbre mezzo soprano romaine Cécilia Bartoli. Le jeune contre ténor italien a rapidement séduit mélomanes et professionnels au point d’intégrer le Jardin des voix de William Christie en 2015. son début de carrière  exceptionnel l’a conduit sur les plus grandes scènes françaises et étrangères et à travailler avec quelques uns des meilleurs chefs d’orchestres encore en activité comme William Christie, John Eliott Gardiner, Diego Fasolis … en ce début de week-end, le jeune homme est accompagné par l’ensemble Les Accents fondé et dirigé par le violoniste Thibault Noally.

Le Stabat Mater et le motet In furore justissimae en première partie de soirée

Ce sont deux œuvres du corpus de musique sacrée d’Antonio Vivaldi (1678-1741) qui ont été programmées pour ce début de soirée. Peu connu et moins interprété que les autres, le Stabat Mater de Vivaldi n’a été composé que pour voix d’alto et orchestre. Si Carlo Vistoli est plein de bonnes intentions il peine à convaincre dans l’interprétation de cette oeuvre difficile et truffée de pièges ; la voix est belle, d’une belle envergure et visiblement saine mais elle n’est pas assez puissante pour « entrer » dans le chef d’œuvre de Vivaldi.

Dès les premières notes de la première strophe (« Stabat Mater dolorosa … ») Carlo Vistoli est couvert par l’orchestre, il use et abuse de trilles inopportunes et chante d’une manière très maniérée comme s’il était le personnage principal d’un opéra de Vivaldi et non le soliste d’une œuvre de musique sacrée. Dirigeant l’orchestre depuis la place de violon solo, Thibault Noally mène Les Accents d’un archet ferme et sur et la musique de Vivaldi envahit le Grand Théâtre avec un dynamisme peu commun. La seconde œuvre de musique sacrée de Vivaldi programmée par Noally et Vistoli est le motet In furore Justissimae. Visiblement plus « emballé » par ce motet, Carlo Vistoli laisse enfin sa voix sortir et nous donne une lecture très convaincante de ce motet : vocalises de très belle factures, tessiture large et parfaitement assumée, cadence de toute beauté.

Thibault Noally accompagne le jeune homme avec talent et pour une fois la voix enfin assumée prend le pas sur l’orchestre. Entre le Stabat Mater et le motet In furore Justissimae l’orchestre interprète le concerto pour violon et cordes RV275 pour permettre à Carlo Vistoli de prendre une nécessaire respiration entre deux pièces difficiles. Thibault Noally dirige avec la même rigueur et la même fermeté un orchestre visiblement très inspiré.

Une seconde partie opératique 

Au retour de l’entracte Carlo Vistoli et l’ensemble Les Accents interprètent des extraits d’opéras de Vivaldi : l’Olimpiade, Andromeda liberata et Orlando. Visiblement plus décontracté qu’en début de soirée, Vistoli donne enfin la pleine mesure de son talent car en effet le jeune homme a une voix idéale pour le répertoire opératique baroque. Dès les premières notes de Gemo in un punto e fremo (air de Licida extrait de l’Olimpiade) il fait passer Licida par des sentiments contradictoires passant du désespoir à la colère sans efforts. Des graves, parfaitement assumés, aux aigus flamboyant Vistoli utilise avec aisance la totalité de sa tessiture.

L’interprétation du « Mentre dormi » (air de Licida), également extrait de l’Olimpiade est tout aussi idéale. Après la très belle interprétation par l’orchestre du concerto pour cordes RV 284, qui permet à Vistoli de prendre quelques minutes de repos, le contre ténor nous gratifie de deux autres extraits d’opéras : Sovente il sole extrait de Andromeda liberata, opéra retrouvé au tout début des années 2000, et Nel profondo cieco mondo tiré de Orlando (air de Orlando). Ces deux derniers airs sont interprétés avec une fougue peu commune et nous permettent d’apprécier la belle voix et le talent de Carlo Vistoli.

Malgré un début de soirée mitigé, notamment à cause d’un Stabat Mater fort peu convaincant, nous avons passé un moment très agréable. Si Carlo Vistoli s’est révélé en seconde partie de soirée, l’ensemble Les Accents dirigé par Thibaut Noally a fait le show en donnant une performance remarquable aussi bien en accompagnant son soliste mais aussi en interprétant deux des concertos de Vivaldi avec un bon goût et un talent inégalable.