Directeur des festivals Messiaen au Pays de la Meije et Berlioz à la Côte-Saint-André, Bruno Messina dévoile une programmation 2025 foisonnante, entre réinvention de la mélodie, feux d’artifice aériens, créations contemporaines et hommage aux grandes figures romantiques.
Directeur des festivals Messiaen au Pays de la Meije et Berlioz à la Côte-Saint-André, Bruno Messina dévoile une programmation 2025 foisonnante, entre réinvention de la mélodie, feux d’artifice aériens, créations contemporaines et hommage aux grandes figures romantiques.
On va retrouver Les Chants de Terre et de Ciel de Messiaen au festival Messiaen, en miroir avec une première mondiale exceptionnelle : Une cinquantaine de mélodies de Berlioz au Festival Berlioz. C’est le lied, dans une version française : un texte poétique mis en musique. On peut tirer ce fil jusqu’au Marteau sans Maître, où le texte de René Char est mis en musique par Boulez, chanté par Salomé Haller. La mélodie, en France, commence avec Berlioz, au même moment que la symphonie fantastique. Puis il écrit Les Nuits d’été, une forme élaborée à partir de la romance populaire accompagnée à la guitare ou à la harpe.
On a travaillé avec Nicole Corti et le chœur Spirito. Thibaut Louppe a fait un travail sobre, rigoureux. On est dans une démarche de retour aux sources avec des mélodies interprétées par le choeur Spirito, accompagné par deux pianistes merveilleux : Hervé Billaut et Guillaume Coppola. Avec des invités comme Kevin Amiel, ce sont quatre concerts exceptionnels. C’était un chagrin pour moi de ne pas avoir pu recevoir certains chefs cette année, mais à travers ce projet, on donne à entendre une musique de chambre peu connue de Berlioz sans recourir à un orchestre.
C’est une commande faite il y a dix ans, que j’ai prolongée avec la même équipe, notamment Maxime Pascal et Arthur Lavandier, avec un soupçon d’électronique. Cette année, on invite Matteo, un des fondateurs du groupe Chinese Man. Je l’ai rencontré sur un plateau de France Inter, on a tout de suite sympathisé. Il a samplé la Symphonie fantastique, j’ai écouté, et c’était vraiment bien. Je lui ai proposé de venir au festival Berlioz. Il était étonné mais enthousiaste.
Bien sûr. Berlioz, à Paris, disait qu’il regrettait le bal de la Côte-Saint-André. Le festival, c’est d’abord une fête. Faire comprendre aux gens que Berlioz leur appartient, que ce n’est pas juste pour les Parisiens ou les Londoniens, même si on est heureux de les recevoir. C’est un festival lié à la terre, à la ruralité. Berlioz vivait de ses revenus agricoles. On perpétue cette tradition avec l’association Georges Antonin, pour valoriser les métiers de l’époque. Cette année, ça devient une folie : on travaille avec le Groupe F, spécialistes de la pyrotechnie à Versailles ou la Tour Eiffel. Ils vont tirer des feux d’artifice depuis des drones, une technique unique au monde, dans le grand parc à Faramans. Ils travailleront sur des extraits du Requiem de Berlioz pour réaliser un ballet aérien sublime.
Il y a des antipodes entre Mozart et Berlioz. Je voulais montrer comment, en 50 ans, Berlioz renverse la table. Mozart, c’est la précision, la dentelle. Berlioz, c’est un dispositif énorme : fanfares, quadriphonie… Les deux sur un même thème, mais avec deux visions radicalement opposées.
Oui, un geste très romantique. On alterne entre vie et mort. La Dolce Vita avec l’Orchestre de la RAI de Tyrin, Mort et Transfiguration de Strauss, Les Nuits d’été, puis Carmen… Une traversée entre le rouge et le noir. De Berlioz, on dit qu’il était bipolaire, comme beaucoup de romantiques : enthousiasme, dépression, emportements. Toute la programmation joue sur ces états.
Oui, comme chaque année il y aura, tous les jours à 19h, des concerts gratuits sous la Halle : harmonies, fanfares, moments populaires. Plus de 1 000 personnes s’y réunissent parfois. Le festival se déplace également : l’orchestre de la RAI se déplace aussi dans les EHPAD, pour que tout le monde soit concerné par la fête.
Avec le Jeune Orchestre Hector Berlioz sur instruments d’époque, confié à Marie-Stéphane Degand, une violoniste exceptionnelle. Et l’Orchestre français des jeunes confié à Kristiina Poska. Deux signaux forts : la jeunesse et les femmes chefs. La parité est naturelle ici. Claire Gibault, doyenne, est présente dans les deux festivals.
Il s’agit de deux figures majeures de cette fameuse génération de compositeurs nés en 1925, avec deux trajectoires très différentes. Ils ont été adorés, contestés, ont fondé des écoles. Boulez, élève de Messiaen, était en guerre contre tout le monde. Quand je l’ai rencontré, c’était un homme doux, sage. Messiaen, lui, était ouvert, non dogmatique en musique alors qu’il l’était plus en religion ! Et Boulez le considérait certainement comme un représentant de l’establishment, à déstabiliser.
Oui, à l’occasion de ses 50 ans de carrière. Il était proche de Messiaen et d’Yvonne Loriod. Et il proposera un concert solo, un à deux pianos avec Jean-Frédéric Neuburger, son fils spirituel, et un à trois pianos avec son fils Charles Heisser, entre classique et jazz.
En programmant Le Marteau sans maître ou les Folk Songs de Berio… A partir de Berlioz, on décline mille formes contemporaines de la mélodie… Et il faut des artistes engagés. Barbara Hannigan en est un exemple. Quand il s’agit ainsi de musique contemporaine, il faut venir l’entendre et la voir en concert. En live, la musique contemporaine fonctionne cent fois mieux, alors que nous sommes peut être les gardiens d’une tradition qui s’ouvre avec Messiaen et se referme avec Boulez.
Le festival Messiaen aura lieu du 19 au 27 juillet. Le festival Berlioz, du 21 au 31 août 2025.
Visuel : © Festival Berlioz / Bruno Moussier