C’est en 1963 que Marius Constant, alors âgé de 38 ans, a fondé l’ensemble Ars Nova. Plus de soixante ans plus tard, l’ensemble, d’abord dirigé par Marius Constant lui-même (1963-1987), puis par Philippe Nahon (1987-2018), Jean Michaël Lavoie (2018-2020) et Benoît Sitzia (depuis 2020), lui rend hommage à l’occasion du centenaire de sa naissance.
En résidence au Théâtre Auditorium de Poitiers depuis plusieurs années, l’ensemble Ars Nova y donne deux à trois concerts par saison. En ce froid jeudi soir de novembre, la phalange poitevine rendait hommage à son fondateur dont le centenaire tombait en 2025. Et c’est un beau programme d’œuvres que présente l’ensemble Ars Nova ; si Ars Nova présentait une œuvre de Marius Constant (1925-2004) lui-même, celle qui donne son titre au concert : « 103 regards dans l’eau », il présentait aussi une œuvre de Benoît Sitzia (né en 1990) lui-même : « Sons-Océan II – Prélude au Kaddisch ». Toutes les autres œuvres du programme ont été transcrites spécialement pour l’ensemble. Benoît Sitzia, qui est venu présenter le concert comme à son habitude, précise qu’un concerto devait également être donné en création mondiale mais qu’il a été repoussé à 2027.
Pour chanter les deux cycles du programme, Benoît Sitzia a invité la jeune et séduisante mezzo-soprano française Marion Vergez-Pascal. Les trois poèmes de Bilitis de Claude Debussy (1862-1918) et les chansons grecques de Maurice Ravel (1875-1937) trouvent là une très belle interprète : la diction est parfaite, la ligne de chant de très belle tenue, la voix chaude, prometteuse et parfaitement maîtrisée. La jeune femme, encore en début de carrière, donne une très belle lecture de ces deux cycles dont la transcription pour un petit orchestre contemporain de douze instrumentistes marche à merveille tant les musiciens, placés sous la direction de Grégory Vajda, le directeur musical d’Ars Nova, l’interprètent avec brio.
C’est l’œuvre qui donne son titre au programme dont le thème est l’eau. Marius Constant a d’abord composé une version pour orchestre symphonique en 1981 ; il remit son chef-d’œuvre sur le métier en 1983 pour en faire une version pour petit orchestre et violon. C’est cette seconde version qu’Ars Nova a choisi de présenter au public. Pour interpréter la partie soliste de 103 regards dans l’eau, c’est la violoniste Marie Charvet qui s’avance sur le vaste plateau de l’auditorium accompagnée par Grégory Vajda, le directeur musical de l’ensemble. La lecture de Vajda de cette œuvre est de très belle tenue ; quant à Marie Charvet, elle joue son violon avec élégance. Le travail de répétition réalisé en amont du concert porte ses fruits tant la rigueur de la direction de Vajda et la parfaite préparation de l’ensemble des musiciens présents sur la vaste scène de l’auditorium y est pour beaucoup.
Une création mondiale en prélude à une œuvre de Maurice Ravel
Benoît Sitzia, qui est aussi compositeur en plus de ses fonctions de directeur général d’Ars Nova, a composé une œuvre pour célébrer cet anniversaire particulier. Et comme il a aussi programmé une œuvre pour violon de Maurice Ravel, Kaddisch, il l’a intitulée « Sons-Océan II – Prélude au Kaddisch ». C’est la violoniste Catherine Jacquet qui interprète la partie soliste de la nouvelle œuvre de Benoît Sitzia ; et elle le fait avec une parfaite maîtrise de son instrument. La direction parfaite de Grégory Vajda et la présence solide des douze musiciens d’Ars Nova contribuent pour beaucoup à la réussite de la création de cette œuvre de Benoît Sitzia. C’est donc une transcription d’une autre œuvre de Maurice Ravel que Ars Nova nous présente : « Kaddisch ». Là encore, c’est dans une transcription de Benoît Sitzia que l’ensemble Ars Nova interprète cette œuvre de Ravel ; c’est aussi l’occasion de (re)découvrir Kaddisch sous un angle nouveau, voire totalement inhabituel.
C’est un concert très particulier qu’Ars Nova a donné en ce froid jeudi soir de novembre ; car on ne célèbre un centenaire qu’une fois dans sa vie, fut-il posthume. L’ensemble Ars Nova et ses trois invitées ont fait honneur à Marius Constant et aux compositeurs qui accompagnaient le fondateur de l’ensemble dans cette belle aventure.
Toutes les œuvres du programme, sauf 103 regards dans l’eau, retravaillée par Constant lui-même, et Sons-Océan II – Prélude au Kaddisch, ont été transcrites par Benoît Sitzia pour orchestre contemporain.
Crédit photo : Stéphanie Molter – Ars Nova