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À la Philharmonie de Paris, Clément Mao-Takacs et le Secession Orchestra ouvrent le weekend Chostakovitch avec éclat

par Hannah Starman
13.10.2025

Ce 9 octobre devant la salle comble de la Cité de la Musique, le chef Clément Mao-Takacs dirige le Secession Orchestra et les solistes dans un ambitieux programme, un portrait habilement construit autour d’œuvres rares et pertinentes. Une soirée d’ouverture d’exception qui met la barre bien haut pour ce weekend Chostakovitch qui se termine le 12 octobre.

Symphonie de chambre op. 110a

 

Vêtu d’un pantalon hakama en denim anthracite et d’une veste noire, tel un prêtre orthodoxe, Clément Mao-Takacs dirige avec les mains cette symphonie poignante, adaptée à partir du Quatuor à cordes n° 8 par Rudolf Barshai avec l’autorisation du compositeur. Dédié « aux victimes du fascisme et de la guerre », la formule d’usage qui en cache d’autres, les victimes des totalitarismes ou les victimes de l’antisémitisme, par exemple, le Quatuor à cordes n° 8 est une œuvre intensément autobiographique. Écrit en trois jours durant l’été 1960 à Gohrisch, le petit village près de Dresde qui accueille Les Journées internationales Chostakovitch depuis 2009, le Quatuor n° 8 est l’unique œuvre de Chostakovitch écrite hors de l’Union Soviétique et la préférée d’Irina Antonovna, la veuve du compositeur.

 

Décrivant l’œuvre à son ami Isaac Glikman dans sa lettre du 19 août 1960, Chostakovitch écrira : « Je me suis dit que si je mourais un jour, personne ne songerait à écrire une œuvre à ma mémoire. Aussi ai-je décidé de l’écrire moi-même ». Dans ce requiem, on entend la signature DSCH de Chostakovitch, les thèmes de ses œuvres précédentes, notamment ses symphonies n° 1, n° 5, n° 8 et n° 10, le Trio pour piano et cordes, le Concerto pour violoncelle n° 1 et Lady Macbeth de Mtsensk, les citations de Wagner (« La marche funèbre » du Crépuscule des Dieux) et de la Symphonie n° 6 de Tchaïkovski, mais surtout les échos de la terreur stalinienne et le souvenir de l’humiliation et de la dépression provoquées par sa récente adhésion au Parti communiste. « Le pseudo-tragique de ce quatuor est tel », écrit-il à Glikman, « qu’en le composant j’ai versé autant de larmes qu’on perd d’urine après une demi-douzaine de bières. Rentré chez moi, j’ai essayé de le jouer une ou deux fois, et j’ai à nouveau pleuré ».

 

 

Sur son podium, Mao-Takacs emploie une gestuelle racée pour donner corps à ce terrible récit. Dans les notes accompagnant l’enregistrement du Quatuor à cordes n° 8 par le Quatuor Borodine, le critique Erik Smith écrit : « Le Quatuor Borodine a joué cette œuvre devant le compositeur, chez lui à Moscou, dans l’espoir d’obtenir ses critiques. Mais Chostakovitch, submergé par cette magnifique interprétation de ses sentiments les plus intimes, a enfoui son visage dans ses mains et s’est mis à pleurer. Une fois leur interprétation terminée, les quatre musiciens ont discrètement rangé leurs instruments et ont quitté la pièce sans faire de bruit ». Face à la beauté saisissante de ce parfait accord entre le geste, la musique et l’émotion qu’elle provoque, on ne peut s’empêcher de penser que, s’il était présent dans la salle ce soir, Chostakovitch pleurerait une fois de plus.

 

Car tout y est, dans cette interprétation de Mao-Takacs et l’orchestre qu’il a fondé en 2011 : la puissance, l’urgence, la douleur, l’humour, la tendresse, la poésie, les viscères et les larmes. L’orchestre est uni, équilibré et prêt à suivre son chef par-dessus une falaise. Le frénétique deuxième mouvement est joué avec un abandon qui fait dresser les cheveux sur la tête. La mélodie klezmer effrénée qui suit est sombre et impitoyablement ironique. On y voit des Juifs hassidiques de la ville basse, possédés par l’élan d’un espoir futile, s’affolant à rattraper leurs enfants et leurs maigres possessions avant de fuir à pied les cavaliers Cosaques.

 

Chacune des nombreuses répétitions de la signature DSCH est plus insoutenable que la précédente. Les trois coups d’archet qui ouvrent le quatrième mouvement sont d’une précision qui fait froid au dos, l’arc narratif est tendu à chaque instant, et les solos sont tous excellents. Avec une autorité naturelle, Mao-Takacs crée les ambiances et impose les silences.  Il suspend un instant les mains en l’air avant de descendre les bras et de déclencher un tonnerre d’applaudissements. Avant de remercier le public et les musiciens, il descend de son podium, un musicien parmi d’autres.

 

 

Concerto pour piano, trompette et orchestre à cordes en do mineur, op. 35

 

Ébranlé par cette bouleversante Symphonie de chambre op. 110a, le public accueille avec soulagement l’étincelant et virtuose Concerto pour piano n° 1. Six ans après le cycle de dix miniatures avant-gardistes Aphorismes, Chostakovitch compose son premier concerto pour piano en 1933. Initialement conçu comme un double concerto pour trompette et piano, l’œuvre sera créée le 15 octobre de la même année par le compositeur au piano, avec l’Orchestre philharmonique de Leningrad, sous la direction de Fritz Stiedry, un chef d’orchestre allemand qui a fui les nazis pour se réfugier en Union soviétique.

 

David Kadouch rejoint le plateau, salue Mao-Takacs en vieil ami et s’installe au piano. Entouré par l’orchestre, le pianiste français qui a enregistré les 24 Préludes de Chostakovitch en 2009 se lance avec entrain dans ce concerto ironique et moqueur des grands concertos romantiques de la tradition russe de Tchaïkovski et Rachmaninov. Chostakovitch s’inspire ici des compositeurs modernistes – Stravinsky, Prokofiev, Poulenc, Ravel et Hindemith – et, à l’instar de Mahler, cite diverses sources avec une intention parodique : la Sonate « Appassionata » de Beethoven, la Sonate en ré majeur de Haydn, le Rondo a Capriccio op. 129 de Beethoven ou encore la chanson viennoise « O du lieber Augustin ».

 

Jouant sans partition, Kadouch – en parfaite harmonie avec l’orchestre qui l’accompagne avec attention et humour – restitue à merveille la bravoure insolite du jeune compositeur qui n’a pas encore connu d’échec. Entre les boutades et la joie contagieuse, le premier concerto de Chostakovitch mélange les styles populaires et classiques, le jazz et le music-hall dans une célébration insouciante d’un jeune homme propulsé vers la gloire. En 1933, la vie sourit encore à Chostakovitch : sa Symphonie n° 1 est un succès international, il vient de terminer l’écriture de son ambitieux opéra Lady Macbeth de Mtsensk et il connaît le bonheur conjugal avec Nina Varzar, qu’il épouse en mai 1932.

 

 

Sur son pupitre de chef, Mao-Takacs prend visiblement du plaisir à guider son orchestre à travers les pirouettes chostakovitchiennes, tel un pareur de gymnastique acrobatique, mais le trompettiste n’est pas en reste non plus. Avec sa carrure de joueur de rugby et son visage empreint de douceur, Romain Leleu répond aux chassés-croisés d’un piano aussi folichon que virtuose avec des interventions austères et pétries d’humour d’un maréchal des logis-chef soufflant dans son sifflet pour rétablir l’ordre à Saint-Tropez. Sous les applaudissements insistants qui retentissent dès les dernières mesures de l’Allegro con brio final, Kadouch, Mao-Takacs et Leleu échangent des regards, s’installent, et rejouent le dernier mouvement. Après ce bis d’orchestre, David Kadouch joue encore un Prélude de Chostakovitch.

 

Symphonie de chambre op. 83a

 

L’ambiance s’assombrit à nouveau après l’entracte. La Symphonie de chambre op. 83a est un autre arrangement pour orchestre de Rudolf Barshai, celui du Quatuor n° 4. Lorsqu’il se met à écrire son quatrième quatuor en 1949, Chostakovitch est un compositeur en disgrâce. Après avoir passé les années 1930 à voir ses amis disparaître dans les geôles staliniennes et à craindre pour sa propre vie, il connaît pendant la guerre une certaine liberté créative.  Le succès de sa Symphonie n° 7 « Leningrad » lui a valu son deuxième Prix Staline en 1942, mais déjà sa Symphonie n° 8 a été considérée trop terne et pessimiste pour plaire aux autorités soviétiques, alors que la n° 9 a été la goutte de trop. À la place d’une grandiose ode à la gloire de Staline, Chostakovitch écrit une Neuvième toute mozartienne, légère, moqueuse et « idéologiquement faible » qui lui a attiré les foudres du dictateur insulté.

 

Après avoir soutenu Anna Akhmatova et Mikhaïl Zoschenko, expulsés de l’Union des écrivains et interdits de publication en 1946, Chostakovitch tombe lui-même sous le coup du décret Jdanov en février 1948. Dans une formule particulièrement châtiée, le Commissaire à la culture soviétique compare la musique de Chostakovitch à une « chambre à gaz musicale ». Ses œuvres sont interdites et il perd son poste de professeur au Conservatoire. Réduit à la pauvreté et contraint à présenter des excuses humiliantes, il écrit désormais des œuvres de propagande pour vivre et celles « pour le tiroir ». Le Quatuor n° 4 fait partie des compositions qui ne seront jouées qu’après la mort de Staline.

 

 

Dans la période de l’après-guerre, Chostakovitch observait avec stupeur et révulsion l’effacement de la mémoire des horreurs de la Shoah et le retour de l’antisémitisme en Union Soviétique. Profondément attiré par la musique juive qu’il décrit comme « le rire à travers les larmes » et extrêmement sensible à la condition juive, Chostakovitch dira à Solomon Volkov : « Je juge souvent une personne à son attitude envers les Juifs. De nos jours, toute personne qui se prétend honnête ne peut être antisémite ». Il se retrouve dans l’ambiguïté de la musique juive, capable de projeter simultanément des émotions radicalement différentes, voire opposées, et le Quatuor n° 4 emprunte de nombreux thèmes de la musique juive de l’Europe de l’Est.

 

On ne peut guère imaginer de meilleurs interprètes pour cette œuvre sublime et riche de contenus implicites que le Secession Orchestra, dirigé par Mao-Takacs, qui nous fait une proposition précise et profonde, intégrant de multiples niveaux de lecture, sans pour autant alourdir l’interprétation. La tristesse du second mouvement fusionne ainsi avec la vitalité du troisième avant de se muer en des sons violents, stridents et plaintifs d’une danse macabre. Les motifs juifs presque caricaturaux, appuyés par un rythme martelant, produisent un mélange frappant d’allégresse et d’horreur grotesque. Les images des Juifs forcés à danser au bord des tombes qu’ils viennent de creuser se fondent dans une musique proprement cauchemardesque qui n’offre même pas le réconfort des larmes. Les applaudissements éclatent comme un soupir collectif d’un public abasourdi par l’impact de cette performance foudroyante.

 

Six mélodies sur des Poèmes de Marina Tsvetaïeva op. 143a

 

Le programme se poursuit avec les Six mélodies sur des Poèmes de Marina Tsvetaïeva. En 1973, Chostakovitch a composé ce cycle de lieder d’abord pour contralto et piano, avant de l’orchestrer pour orchestre de chambre l’année suivante. La mezzo-soprano Irina Bogacheva a créé la première version avec sa pianiste Sofiya Vakman le 30 octobre 1973 à Leningrad et la version orchestrale avec l’Orchestre de chambre de Moscou, dirigé par Rudolf Barshai, le 15 juin 1974. Chostakovitch a découvert l’œuvre de Tsvetaïeva en 1970 et il s’est mis à lire ses poèmes quotidiennement. Pendant qu’il travaillait sur la Symphonie n° 15, il a mis en musique le poème Yelabuga Nail de Ievgueni Ievtouchenko sur le suicide de Tsvetaïeva. Laissé inachevé, Yelabuga Nail sera complété par Alexander Raskatov et vient de paraitre sur l’album Shostakovich Discoveries en 2025.

 

 

Chostakovitch a composé les Six poèmes par Marina Tsvetaïeva pendant son séjour estonien durant l’été 1973, alors qu’il venait d’apprendre qu’il n’y avait plus aucun traitement possible pour ses problèmes de santé. Il avait choisi la mezzo-soprano Irina Bogacheva parce que sa voix lui faisait penser à celle de Tsvetaïeva : « voûtée, corpulente, enfumée par la fumée de tabac ». Chostakovitch a refusé de donner suite à la demande de Bogacheva de transposer la partition d’un demi-ton ; ses graves lui plaisaient. Ce soir, c’est la soprano française Marie-Laure Garnier, révélation artiste lyrique aux Victoires de la musique classique 2021, qui chante les Six poèmes.

 

Vêtue d’une robe blanche, Marie-Laure Garnier investit le plateau et déploie sa voix ample, veloutée et enveloppante avec une assurance calme. Même si sa diction en russe est perfectible, sa présence scénique est engageante – elle connaît bien sa partition et maintient un bon contact visuel avec le public – et sa voix est magnifique sur toute la tessiture. Ses graves sont ronds et soyeux, ce qui rend son interprétation des LargosMa poésie, D’où vient cette tendresse ? Le dialogue de Hamlet avec sa conscience et surtout À Anna Akhmatova, déchirants de beauté. En revanche, Poète et tsar et surtout, Non, battait le tambour ! auraient bénéficié d’une meilleure prononciation, un tempo plus soutenu, une colère plus énergique et un staccato plus sec. À la fin de sa vie, Chostakovitch ose honorer ceux qu’il aime et Marie-Laure Garnier, accompagnée par un Mao-Takacs aux petits soins, nous offre une somptueuse et mémorable interprétation de son hommage à Anna Akhmatova.

 

Moscou, Tcheriomouchki

 

La dernière pièce au programme ce soir est une suite de quatre extraits de l’opérette éponyme en trois actes et cinq scènes que Chostakovitch écrit en 1957-58. Après la mort de Staline, Nikita Khrouchtchev promet de créer un espace de vie pour tous. Une période de dégel culturel et politique s’installe, et on voit apparaître les premiers signes d’une prospérité modeste. Afin de diffuser la nouvelle de l’essor soviétique à travers le monde, Chostakovitch est chargé de composer une comédie musicale sur Tcheriomouchki (Quartier des cerises), le premier nouveau quartier du prestigieux sud-ouest de Moscou. Basée sur le livret des humoristes soviétiques Vladimir Mass et Mikhail Chervinsky, l’intrigue aborde le thème de la pénurie de logements au travers de l’histoire des jeunes couples qui rêvent d’une vie dans les immeubles modernes de Tcheriomouchki, mais la corruption, la bureaucratie et le chaos anéantissent leurs espoirs.

 

 

Créée le 24 janvier 1959 au Théâtre de l’Opérette à Moscou, Moscou, Tcheriomouchki est avant tout une comédie musicale soviétique, où – sous l’œil attentif et méfiant des pouvoirs en place – le spectateur est censé rire, sous peine d’une rapide expédition de quelques fuseaux horaires vers l’est. Le hit du réveillon du Nouvel An à la télévision russe pendant des décennies, Moscou, Tcheriomouchki est un pastiche du matériel populaire soviétique, du jazz, du cabaret, des parodies des esthétiques nationalistes, des mélodies pseudo-médiévales, etc. Parlant de son opérette à son ami Isaac Glikman, Chostakovitch écrit douloureusement : « Je me comporte très correctement et assiste aux répétitions de mon opérette. Je brûle de honte. Si vous envisagez d’assister à la première, je vous conseille d’y réfléchir à deux fois. Cela ne vaut pas la peine de perdre votre temps à vous régaler les yeux et les oreilles de ma honte. Ennuyeux, sans imagination, stupide ».

 

Forcé à composer de la musique conforme aux dictats du réalisme socialiste d’une société optimiste promettant le bonheur, Chostakovitch glisse toutefois dans ces partitions un sous-texte que seuls les proches comprendront, comme pour leur dire : « Ne croyez pas ce que j’écris, croyez ma musique ». Avec une grande sensibilité, Clément Mao-Takacs décortique et restitue ces différents niveaux d’écriture de Chostakovitch. Il souligne discrètement ces messages codés à l’attention de ceux qui sauront y être attentifs, tout en dirigeant l’orchestre pour le divertissement de tous. Cette partition, aussi amère soit-elle pour Chostakovitch et ceux qui comprennent la violence qu’il a dû se faire pour l’écrire, reste une splendide page de musique légère, humoristique, saturée de couleurs vives et de crescendos vertigineux, qui met en valeur les solistes et procure un indéniable plaisir au public et aux musiciens. À tel point, qu’ils ont rejoué l’énergique dernier mouvement « Course / promenade autour de Moscou », avec plus de sarcasme encore. Dansant sur son podium, Mao-Takacs se tourne vers la salle qui se met à applaudir en cadence jusqu’à un dernier éclat de joie et de rires. « J’ai raté mon train », regrette un spectateur, ajoutant aussitôt avec un grand sourire : « mais qu’est-ce que c’était bien ! »

Visuels : © Amandine Aubrée / Toï Toï Paris