Sorti début mai, cet enregistrement de l’une des représentations données en 2018 à l’opéra de Francfort présente comme intérêt essentiel d’avoir immortalisé la performance du ténor le plus versatile de sa génération, Michael Spyres. On avait déjà eu l’occasion de le trouver exceptionnel dans un enregistrement de 2010 des Huguenots du même Meyerbeer, où il prouvait son exceptionnelle adéquation au répertoire du Grand Opéra Français, ce qu’il a confirmé par la suite autant à l’occasion d’un album consacré à ce répertoire – que lors de sa participation aux grands chefs d’œuvre de Berlioz que sont Les Troyens, la Damnation de Faust et Benvenuto Cellini.
Sans entrer ici dans l’ensemble des considérants qui entourent cette œuvre, rappelons que le titre original est bien Vasco de Gama. L’œuvre a été remaniée, raccourcie et renommée L’Africaine par François-Joseph Fétis sur demande de l’Opéra de Paris et alors que Meyerbeer est décédé avant la création sur scène de son œuvre. Ce n’est qu’en 2013 que la version originale de Meyerbeer sous son titre, est reprise à Chemnitz puis plus tard avec des variantes et de nombreuses coupures à Berlin et enfin à Francfort, dans une version finalement assez complète, dite « version critique de Jürgen Selk », publiée ce mois-ci chez Naxos.
Le joli timbre, la belle diction et la souplesse vocale sont les signatures confirmées de Michael Spyres même si ce n’est pas le genre de rôle qui met le plus en valeur ses qualités exceptionnelles, notamment ses facultés à passer du grave du baryton au contre notes du ténor et l’on apprécie son beau « Ô Paradis ! », l’air le plus célèbre de la partition.
L’Inès de Kirsten MacKinnon est finalement plus impressionnante, la voix est très belle, l’articulation des phrases musicales impeccables et elle nous propose des couleurs diverses dans son chant tout comme la Selika de Claudia Mahnke que nous avons déjà eu l’occasion d’apprécier à l’Opéra de Francfort dans d’autres rôles. Quant au baryton Brian Mulligan, il est bien agréable également en Nelusko, voix large et puissante, très beau legato et engagement sans faille pour ses airs. Sans nommer tous les artistes (mais Francfort garantit toujours la qualité de sa « troupe »), l’ensemble est de bonne tenue de même que l’orchestre et les chœurs.
Dommage – et c’est le problème principal de cet enregistrement – que le chef Antonello Manacorda manque de dynamisme pour faire vivre la progression de cette (longue) histoire dramatique, banalisant finalement la richesse de la partition.
On attendra avec impatience le prochain Meyerbeer, dont la sortie est annoncée pour juin chez Palazzetto Bru Zane, celle du Prophète capté à Aix-en-Provence en juillet dernier dans une représentation qui avait enthousiasmé public et critiques.
L’Africaine de Giacomo Meyerbeer (Vasco da Gama) ; Frankfurt Opera Chorus and Orchestra, direction : Antonello Manacorda ; avec Michael Spyres, Claudia Mahnke, Kirsten MacKinnon… ; édité chez Naxos.
Visuel (c) couverture d’album