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« Douce France », le troisième album de Benjamin Bernheim, une merveille de délicatesse et de beau chant

par Helene Adam
01.09.2024

Le troisième album de Benjamin Bernheim, consacré aux mélodies et chansons françaises, confirme les qualités du ténor dans ce répertoire qu’il chante avec délicatesse et naturel, de Berlioz à Brel, offrant la variété des styles avec un égal talent. La pianiste Carrie-Ann Matheson forme avec lui un duo idéal. Un régal.

Les « Nuits d’été » de Berlioz

 

A l’écoute du dernier album solo de Benjamin Bernheim, nous sommes immédiatement séduits par la clarté du timbre et l’aisance de la diction qui caractérisent le ténor dans ces Nuits d’été que nous avons plus souvent entendues dans un style d’opéra avec accompagnement orchestral. Là, rien de tel. Benjamin Bernheim, accompagné du piano élégant et élégiaque de Carrie-Ann Matheson, manie avec délicatesse et sans effets appuyés, le beau texte des poèmes de Théophile Gautier (extraits du recueil La Comédie de la mort).

 

Le style très personnel de Benjamin Bernheim s’impose dans l’art de la mélodie comme, peu à peu, il creuse son sillon dans l’interprétation de rôles-clé à l’opéra : son Hoffmann, ovationné à nouveau à Salzbourg après Paris l’an dernier, possède cette poésie intrinsèque et l’on salue son interprétation originale où le naturel domine. Benjamin Bernheim choisit le dépouillement et la simplicité : les mots coulent tranquillement comme une rivière scintillant de mille étincelles, flots sans tumulte mais non sans relief, chaque inflexion étant amenée en douceur. Bernheim évite les « r » roulés et les forte excessifs, choisissant résolument un style intimiste de récital piano. Et si l’on est un peu privé des instrumentations riches de Berlioz, on apprécie ce que le chant gagne en perception pure de la mélodie et du texte.

 

La « Villanelle » est enjouée pour chanter le printemps, le renouveau, les amours de la nouvelle saison. Le timbre est vif et le style rapide, le piano ne cherche pas à remplacer l’orchestre et se fait plutôt discret, soutenant les légères inflexions de tonalité de la partition que le ténor valorise en douceur. Avec le « Spectre de la rose », Benjamin Bernheim donne toute la mesure de son talent à sculpter le phrasé délicat du poème. Les premières notes sont longuement tenues (« Je suis le spectre d’une rose que tu portais hier au bal »), tandis que le piano sautille en accords qui souligne le rythme, les crescendos sont si délicatement amenés qu’ils ne sont réellement perceptibles que dans le mode forte (« Ce léger parfum est mon âme et j’arrive, j’arrive du paradis ») qui n’est jamais forcé et atteint au sublime. L’interprétation divine est elle-même si poétique qu’elle nous permet de redécouvrir la beauté des paroles dans ces legato parfaitement maitrisés (« Parmi la fête étoilée ») comme des rallentando scandés de « Mais ne crains rien ».

 

La tristesse en mode mineur de « Sur les lagunes », est chanté en mode lamentation, d’un ton volontairement languissant et monocorde, soulignant la mélancolie des regrets face à la mort de la chère amie, avec de poignants crescendos au milieu des strophes et surtout sur le refrain « Que mon sort est amer/Ah! sans amour s’en aller sur la mer ! ». Ralentissements, accélérations, et sublime pianissimo de conclusion, tout fait sens dans l’interprétation du ténor. Et l’on reste fort heureusement sous le charme, dans le même style simple et direct, sans emphase, sans trémolo mais avec de subtils changements de rythme et de très nombreuses nuances à peine effleurées, avec « Absence » qui chante la douleur de la séparation avec un touchant « Reviens, reviens, ma belle aimée ! » qui montre une fois encore la remarquable stabilité de la voix du ténor.

 

Tombe blanche d’un cimetière, if la surplombant, soleil couchant, colombe, ange amoureux et même fantôme de la disparue, le « Clair de lune » qui suit, ondule musicalement multipliant les inflexions de tonalité qui évoquent fort bien une atmosphère mystérieuse et légèrement morbide, est toujours interprétée avec cet art qui consiste à chuchoter à l’oreille du spectateur charmé. Et Bernheim respecte ensuite le contraste du dernier poème du cycle, le vaillant « Ile inconnue » pris sur un rythme rapide et conquérant, clairement composé comme conclusion de l’ensemble. Appuyant sur la richesse des rimes, les syllabes formant à elles seules une partie de la musique, maniant avec aisance les accélérations, les ralentissements, le ténor nous offre une fin brillante sur le « Dites, dites, la jeune belle, dites, où voulez-vous aller ? ».

 

Le « Poème de l’amour et de la mer » d’Ernest Chausson

 

L’ouvrage suivant appartient également à la tradition du beau chant français de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, plus souvent interprété par des voix féminines que par des ténors. La belle composition de Chausson se situe au crépuscule du siècle (1890). Ernest Chausson écrit une musique tournoyante, moderne, qui semble s’enrouler entre les paroles du poème éponyme de son ami Maurice Bouchor et l’a dédié à Henri Duparc. Deux parties composent le poème, séparées par un bref interlude instrumental. Ernest Chausson accompagna lui-même au piano, la création par le ténor Désiré Demest en 1893. La version avec orchestre a été donnée un peu plus tard la même année mais cette fois, avec une soprano.

 

Benjamin Bernheim adopte un ton langoureux et tout à fait approprié à ces deux longues litanies, « La fleur des eaux » et « La mort de l’amour » tout en distillant son texte, en lui donnant du sens, en excellent narrateur qu’il est, ne cédant jamais aux effets de voix pour privilégier la diction claire et le sens du récit.

 

Incontournable Henri Duparc

 

Aucun album de mélodies françaises ne peut éviter Henri Duparc et son « Invitation au voyage », sur un poème de Baudelaire. Nous revenons en terrain familier avec ces mélodies moult fois entendues en concert, interprétées par toutes les tessitures -soprano, mezzo, baryton ou ténor- et très souvent enregistrées. Soulignons d’abord la beauté des notes arpégées façon cascade d’eau fraîche, par la pianiste Carrie-Ann Matheson, en accompagnement de la voix de ténor. Et l’on se laisse bercer par cette jolie incarnation de ces mots du poète à qui Bernheim procure de bien belles images suggérées par la manière si personnelle et si… voluptueuse dont il prononce « Là, tout n’est qu’ordre et beauté/Luxe, calme et volupté ».

 

Le court poème de Jean Lahor, « Extase » qui suit, comme les deux autres morceaux mis en musique par Henri Duparc, « Phidylé » de Charles-Marie Leconte De Lisle et « La vie antérieure » de Baudelaire, nous emmènent à leur tour dans le pays des rêves, des songes, des souvenirs, des regrets mais aussi de l’espoir quand la voix délicieuse du ténor s’enfle légèrement sur les derniers vers « Que ton plus beau sourire et ton meilleur baiser/Me récompensent de l’attente ! ».

 

L’âge d’or de la chanson française

 

Puis opérant une rupture d’époque et de genre mais gardant son style très personnel, Benjamin Bernheim nous propose pour conclure son album trois chants modernes, célèbres et emblématiques de ce qu’on appelle « la bonne chanson ». Le couple Prévert/Kosma d’abord avec ses « Feuilles mortes » si souvent interprétées, si souvent entendues que l’on se demande ce que Bernheim va apporter à part l’infini plaisir sans cesse renouvelé d’entendre ces paroles magiques porteuses de tant de réminiscences comme ces « souvenirs qui se ramassent à la pelle ».

 

Le choix de Trénet dont l’incontournable « Douce France (cher pays de mon enfance) » donne son titre à l’album, s’imposait également et Bernheim confirme que dans une version transposée pour ténor et piano, il est particulièrement à l’aise dans la chansonnette à qui il donne toutes ses lettres de noblesse en restant, comme toujours, sobre et en évitant tout effet « opératique » qui n’aurait guère sa place dans l’incroyable légèreté de la musique du fou chantant. Pas facile mais réussi et bien agréable à écouter !

 

S’attaquer à Brel pour conclure l’album était audacieux et rares sont les chanteurs d’opéra qui se sont risqués dans l’univers de ce monument de la chanson à texte qui avait lui aussi, son incontournable et inimitable façon de se produire sur scène (et de vivre ses personnages en quelques minutes). Pour tout dire, on ne peut pas imiter Brel et Bernheim ne cherche pas à le faire. Il donne une interprétation plus lisse et plus régulière de « quand on n’a que l’amour » que l’original. C’est beau, bien fait, mais un peu frustrant. Et curieusement c’est le piano qui bataille le mieux pour rejoindre la folie de Brel quand il incarnait ses chansons.

 

Et précisons que l’on ne peut pas séparer la prestation du ténor de celle de sa partenaire Carrie-Ann Matheson, auteur des arrangements pour ténor et piano des ouvrages de Berlioz, Duparc et Chausson, et qui joue sa propre partie avec talent ce qui conduit à considérer l’album comme une œuvre à deux, en étroite symbiose, sans que l’un ne prenne jamais le pas sur l’autre. Une belle réussite.

 

Bel album pour une belle carrière

 

En seize morceaux, et une heure vingt de musique, Benjamin Bernheim, après deux albums d’airs d’opéra (le premier en 2019, sorte de carte de visite de l’opéra français, le deuxième en 2022, intitulé « Boulevards des Italiens »), démontre son appétence pour le genre « Lied », déjà largement esquissée dans ses nombreux récitals piano depuis quelques années.

Il nous donnera d’ailleurs le programme de ce CD lors de son prochain concert à l’Opéra Garnier le 24 novembre. Et nous ne retrouverons avec plaisir dans Werther, en mars prochain au Théâtre des Champs-Élysées, dans une mise en scène de Christof Loy aux côtés de la Charlotte de Marina Viotti !

En attendant de retrouver le ténor, qui vient de briller lors de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques à Paris, voici un album de rentrée que nous vous recommandons !

Douce France: Mélodies & Chansons

Berlioz · Chausson · Duparc
Kosma · Trenet · Brel

Benjamin Bernheim
Carrie-Ann Matheson

Sortie du CD : 30 Août 2024

Label : Deutsche Grammophon (DG)

 

Photo du CD : © DG

Photo de l’article : © Edouard Brane