Vendredi 21 avril, la violoniste Hilary Hahn faisait salle comble à l’Auditorium de Radio France dans le concerto de Brahms, accompagnée par Mikko Franck et l’Orchestre Philharmonique de Radio France. La deuxième partie de la soirée était marquée par l’épopée soviétique de la 5e Symphonie de Chostakovitch. Un concert puissant.
Carré blond, visage concentré et robe longue en voile rouge et argent : c’est un peu comme une fée qu’Hilary Hahn a fait apparition sur scène. Mikko Franck a pris place derrière son pupitre et avant même la première note de la violoniste, l’attention parfaite et la complicité entre l’Orchestre philharmonique de Radio France et la soliste sont évidentes. C’est avec solennité que l’on entre dans le premier mouvement du concerto. C’est intense, c’est doux aussi et c’est avec grande fluidité que Hahn offre son premier moment solo à un public hypnotisé.
Hilary Hahn est précise, exigeante et en même temps joyeuse, comme s’il restait, en sous-couche de ce concerto écrit à la fin des années 1870 par Brahms pour le violoniste star de l’Empire, Joseph Joachim, le travail extraordinaire que la violoniste américaine a fait sur les Partitas de Bach. Elle accorde son instrument avant un deuxième mouvement “adagio” où l’on vit notre premier moment romantique. Les bois de l’orchestre nous enchantent.
Le célèbre troisième mouvement, joyeux et clair, est un moment de liesse et de générosité. Dans cette lancée, Hilary Hahn offre deux bis au public, très joliment éclairée par les équipes de l’auditorium. Elle est bouleversante d’intensité dans Bach et cela nous ramène cinq ans en arrière, quand elle était venue jouer seule sur cette même scène les sonates et partitas. Et puis, elle nous “donne” la création européenne d’une pièce commandée par le Chicago Symphonic Orchestra (où elle est artiste en résidence) et joué la semaine précédente pour la première fois au monde Through My Mother’s Eyes, de Steven Banks.
Après l’entracte, place à la terrible année 1937, celle de la grande terreur en Union soviétique, lors de laquelle Chostakovitch écrit sa 5e Symphonie en trois mois, submergé d’angoisse et prenant Beethoven pour exemple afin de ne pas sonner trop moderne aux yeux des autorités. Dirigé par l’expressif Mikko Franck, dont on croise parfois le regard quand il s’adresse au pupitre des violoncelles, l’orchestre parvient parfaitement à nous faire ressentir les forces contraires qui traversent cette symphonie épique.
Il y a presque de la marche militaire au cœur du premier mouvement, bref et puissant. L’allegretto nous ferait danser, le largo mobilise les vents presque à la manière de Mahler, mais quelque chose vient troubler l’harmonie évanescente à chaque instant. Enfin, malgré l’obscurité de la gamme du ré mineur choisi pour cette épopée terrible, l’emportement du quatrième et dernier mouvement est à la fois vif, solennel et semble parvenir à tous nous faire traverser une épreuve. Avec la harpe comme figure de proue, des vents qui se répondent, et des percussions qui nous emmènent au large, l’orchestre fait entendre les mille nuances et toutes les émotions qui traversent cette œuvre à la fois si solidement construite et si fragile dans tout ce qu’elle suggère.
Nous sortons du concert un peu chancelants après tant d’intensité, pour rejoindre la longue file de fans qui attendent Hilary Hahn pour un autographe à la fin du concert.