Le dimanche 12 octobre 2025, au Théâtre des Champs Élysées, la jeune pianiste Arielle Beck interprète la sonate n°1 de Robert Schumann, la sonate n°14 de Franz Schubert et les Variations sérieuses de Félix Mendelssohn.
Elle n’a que 16 ans. Mais lorsque Arielle Beck s’installe au piano l’auditeur oublie son âge, devant sa maîtrise, son assurance, son élégance. Née à Paris le 19 O1 2009, elle débute le piano à 4 ans et donne son premier concert à 9 ans. Elle remporte en 2018 le Grand Prix du Concours international Jeune Chopin et reçoit les encouragements de Martha Argerich. Elle débute en 2023 une carrière de soliste et son premier album consacré à Brahms et à Schumann vient de sortir au mois de septembre.
Pour ce concert elle a choisi le romantisme allemand, avec des œuvres difficiles, exigeantes qui vont mettre en valeur sa maîtrise technique, sa virtuosité. Ce choix du répertoire romantique va révéler sa sensibilité, sa capacité à nous transmettre ses émotions musicales.
La sonate N°1 de Robert Schumann débute par une introduction lente, grave. Les accents funèbres à la main gauche laissent émerger une mélodie lumineuse, un chant d’amour, avant un allegro fougueux et passionné. Cette sonate est dédiée à Clara Schumann mais aussi à Eusebius et Florestan. Ces deux personnages imaginés par le compositeur incarnent les deux facettes d’un même homme, en l’occurrence de Schumann lui même. Eusebius représente la poésie, Florestan la passion. Cette sonate est le reflet de la personnalité du compositeur, oscillant entre exaltation et tristesse. L’Aria est une douce romance, le jeu d’Arielle Beck est d’une grande pureté, son toucher de velours. Après un scherzo rythmé, syncopé, impétueux, le final fait alterner calme et tempête. Au moment où la musique devient un murmure confidentiel, un grondement se lève des notes les plus graves qui conduit à une envolée musicale, orageuse, spectaculaire, éclatante.
« J’ai entrepris une œuvre de géant qui absorbe toutes mes forces » disait Robert Schumann à propos de cette sonate dont la composition s’est prolongée de 1831 à 1837. C’est une sonate d’une grande ampleur, le piano y devient orchestre. A travers cette œuvre magistrale, une évidence s’impose : Arielle Beck est une grande soliste.
Franz Schubert a composé sa sonate N°14 en 1823 alors qu’apparaissaient les premiers symptômes de la maladie qui l’emportera cinq ans plus tard à 31 ans. Elle est marquée au sceau de l’inquiétude. L’allegro giusto a un début un peu mystérieux. Un trille impétueux, des accords pesants laissent néanmoins s’épanouir une douce mélodie « schubertienne ». Une mélodie qui semble exister malgré tout, malgré le poids des épreuves qui pèsent sur les épaules du compositeur. Un superbe dialogue s’installe entre des sentiments contradictoires, entre interrogation et colère. Le chant langoureux et apaisant de l’andante est interrompu par une brusque accélération, un déchaînement de triolets. La vélocité domine l’allegro final. C’est une cavalcade de notes, Arielle Beck y déploie une grande énergie et fait la preuve de sa virtuosité.
Le concert se termine par les Variations sérieuses de Félix Mendelssohn. Elles font partie d’une œuvre collective destinée à financer le monument érigé en 1845 en mémoire de Beethoven à Bonn, sa ville natale. Ces variations sont un peu « le tombeau de Beethoven ». Dix sept variations, très brèves, s’enchaînent sans interruption. Elles font aussi référence à J.S. Bach par la sérénité et la rigueur musicale, en particulier lors de la deuxième variation. Puis peu à peu le tempo s’accélère, les variations nécessitent une virtuosité accrue. Elles s’achèvent par une coda brillante, éclatante qui est un véritable moment de bravoure pianistique.
Arielle Beck a été longuement applaudie à la fin du concert et nous offrira deux bis successifs. Le public a été ému par cette pianiste si jeune et si talentueuse, à l’avenir prometteur. Ce dimanche matin au Théâtre des Champs Élysées a été un moment musical stimulant, mémorable.
Visuel © Cyprien Tollé / Théâtre des Champs Élysées