En ce premier week-end de juin, le Trabendo a accueilli le groupe de rock canadien Alvvays, avec ses mélodies entêtantes et ses rythmes frappés. Une véritable vague power pop a inondé la salle de concert, ondulant entre les trois albums du quintet et oscillant entre les teintes colorées de la mise en scène…
Des accords de guitare saturée. One, two, three, four, … et l’énergie déferle. C’est avec « Pharmacist », le premier morceau de leur dernier album Blue Rev (sorti le 7 octobre 2022), que les cinq Canadiens entrent en scène. « I know you’re back, I saw your sister at the pharmacy » … Tandis que la chanson évoque le retour d’un amour passé, le public, lui, accueille à bras ouverts le groupe et ses nouveaux morceaux. D’autant qu’Alvvays s’est rarement produit en France, le Trabendo accueillant la seule date française de leur tournée actuelle – comme il l’avait fait en 2018. Et d’autant que cinq ans séparent Blue Rev et Antisocialites, leur album précédent, sorti en 2017. Mais l’attente est plus que pardonnée et les musiciens acclamés…
Tandis que des diagonales de lumières vertes et bleues défilent en toile de fond, le guitariste Alec O’Hanley et la bassiste Abbey Blackwell (ayant succédé à Brian Murphy, après son départ en 2021), grattent leurs cordes avec ferveur. Puis les couleurs se précisent en dessinant un paysage qui défile à toute vitesse, illustrant l’inarrêtable « After The Earthquake ». Les arbres verdoyants et les routes de campagne s’opposent au quadrillage de la ville, antithèse du désordre harmonieux de la nature. Le morceau lui-même est fait de ruptures, de pauses et de départs, de calmes et de tempêtes. Mais persiste toujours l’énergie folle de la batteuse Sheridan Riley, absolument ardente.
Déferlante, la lame de fond de « In Undertow » recouvre la salle de son énergie power pop. Les spectateurs y plongent la tête la première, lui répondant par des vagues de mains qui suivent le rythme dans les airs. Ce morceau est issu de l’album Antisocialites, dont les 10 titres avaient assis la réputation du groupe sur la scène indie. Viennent ensuite « Many Mirrors » et « Very Online Guy », deux morceaux aussi dansants qu’ensoleillés, teintés d’une couleur 80’s. Tout particulièrement le second avec son synthé détonnant, imagé par des rayures noires et blanches mouvantes, tournoyant comme une illusion d’optique. Tout en maîtrise, la claviériste Kerri Maclellan (se) joue des touches, (nous) ballade ses doigts avec funk et fluidité.
Ici et là, on entend murmurer les sonorités des Smiths et de My Bloody Valentine, des accents dream pop et des caractéristiques shoegaze. Mais la pop laisse parfois la place à un rock plus noisy, épousant même la férocité punk. En témoignent les morceaux « Pomenarian Spinster » et « Tom Verlaine », hommage au leader du groupe Télévision, disparu en janvier dernier. Aussi, avec Blue Rev, le quintet de Toronto s’émancipe doucement des codes pop sans les oublier, cherchant un équilibre entre un pop-rock dansant, des effets distordants et des paroles introspectives. Unissant ces morceaux complexes et multifacettes, la voix de Molly Rankin en épouse toutes les variations, tantôt lumineuse et éthérée, tantôt survoltée et provocante.
Le voyage se poursuit à toute allure, opérant un saut dans le temps avec « Adult Diversion » et « Archie, Marry Me », issus du premier album du groupe, sorti en 2014 et tout simplement intitulé Alvvays. Ces morceaux adolescents n’ont rien perdu de leur fougue et de leur vitalité, et leurs refrains sont repris en cœur par un public plus qu’enthousiasmé ! L’allégresse est tout aussi unanime lorsque le quintet reprend les pépites « Dreams Tonite », « Not My Baby » et « Saved by a Waif », sortis sur Antisocialites. Sous un halo arc-en-ciel et empreint de l’héritage des Cure, leur succède la ballage nostalgique « Belinda Says », clin d’œil au morceau de Belinda Carlisle « Heaven is a Place on Earth » (1987). Avant de nous quitter, Alvvays nous offre « Bored in Bristol » et « Easy On Your Own ? », qui sont parmi les plus beaux morceaux de Blue Rev, conjuguant à merveille une atmosphère flottante et une énergie électrique brute…
En définitive : un savoureux cocktail de saturations, de mélancolies distillées et de mélodies pop !
Visuel : de gauche à droite :
Abbey Blackwell (basse)
Sheridan Riley (batterie)
Molly Rankin (chant, guitare)
Alec O’Hanley (guitare)
Kerri McLellan (clavier)
© Norman Wong
Photos concert
© Amélie Le Berre