Xavier-Marie Bonnot raconte l’horreur« Place du Paradis »

Une improbable rencontre

«Un enfant, seul, une grosse sucette à la main, marche dans les décombres. Les bombardements reprennent, l’enfant disparaît dans la poussière». La photo de Pierre sera célèbre. Photographe de guerre, il est retourné à Raqqa en 2017 pour la chute de l’État Islamique. Il accompagne des combattants volontaires français auprès des milices kurdes YPG. Au temps des Omayades, Raqqa, siège du califat, était considérée comme le paradis. Pierre arrive au milieu des combats Place du Paradis, la place centrale de la ville où l’État Islamique mettait en scène les exécutions publiques. Il y rencontre Marie, une jeune française. Par croyance et surtout par passion amoureuse, elle a rejoint, deux ans auparavant, son «mari» Fabien devenu un des bourreaux de Daech. Ils auront un fils Adam. Elle sera incarcérée à son retour en France. Prête à collaborer avec la justice, elle demande à revoir Pierre pour qu’il l’aide à retrouver Adam. Leur face à face coïncide avec le procès des attentats du 13 novembre 2015. Le passé de Marie paraît d’autant plus impardonnable. Le lecteur découvre aussi la descente aux enfers de Marie à Raqqa. Elle n’a pas su dire non au précipice et s’est retrouvée jeune maman perdue dans un monde cruel.

Une vraie réflexion sur la radicalisation islamique

Place du Paradis est d’abord un roman sur le métier de photographe de guerre, une réflexion sur les images, qui ne sont que des fictions, qui deviennent «comme des soupirs du temps». Avec Pierre, le lecteur est plongé dans la cruauté, la brutalité de la guerre. «Le son du canon revient lentement mais sûrement»: avec sa longue expérience de la guerre, Pierre porte un regard désabusé, pessimiste sur le monde actuel. Fils de résistant, il déplore que «son héritage ne soit précédé d’aucun testament» comme si sa génération n’avait pas pu intégrer les codes de la génération précédente, celle qu’il considère comme héroïque. Marie est pour lui un fantôme, un sujet permanent d’interrogations: «la haïr serait facile, la comprendre serait se mettre devant un miroir et y voir les échecs d’une époque, les dérives d’un siècle».
Marie c’est la banalité du mal .Elle est partie à 18 ans en Syrie, comme une touriste, avec peu de réflexion, beaucoup d’inconséquence. Puis elle a été broyée par l’engrenage d’un mécanisme plus grand qu’elle. Elle est allée se chercher là bas mais est tombée sous le joug d’une tyrannie absolue.
Le livre de Xavier-Marie Bonnot est captivant par son intérêt historique mais aussi par sa puissance romanesque. La tendresse et la mélancolie de Pierre sont émouvantes comme peut l’être le parcours maudit mais si triste de Marie. Comme Pierre nous montre l’invisible dans ses photos, Xavier- Marie Bonnot capture «cette effroyable banalité» qui conduit à la radicalisation de jeunes français ordinaires. La littérature nous permet ainsi de comprendre un peu plus…l’incompréhensible.