«Vous êtes l’amour malheureux du Führer» : la «star» nazie Albert Speer au prisme de Jean-Noël Orengo

«L’amour malheureux d’Hitler»

Ce n’est plus comme un individu que le roman envisage Speer, mais d’près une phrase d’une historienne fascinée par lui, Gitta Sereny, comme l’amour intellectuel d’Hitler. À part quelques flash-backs, la narration a tout d’une histoire d’amour : la rencontre, l’idylle, une séparation, un retour ensemble et la fin. L’après est peu présent et en même temps omniprésent puisque le grand bel aryen qui a fasciné Leni Riefensthal et à qui Hitler a passé pas mal de lubies car il l’a pris pour un «artiste» a réussi le coup de force d’imposer sa narration de son rôle dans le IIIe Reich.

Le statut de l’autofiction en jeu

Pourquoi n’a-t-on remis en cause que tardivement certains éléments du parcours de ce tout proche d’Hitler, parfaitement au courant de la solution finale et qui a été condamné à une peine plus douce que son n°2 en 1945 car il était soi-disant «franc» et qu’il s’est opposé au projet d’Hitler de tout détruire derrière lui ? C’est cette question lancinante que pose Jean-Noël Orengo dans une prose qui joue des effets de sa répétition, comme un petit morceau de film expérimental. La réponse n’est pas très claire et l’on revit, encore et encore, minute par minute, le quotidien des barons du IIIe Reich dans ce livre qui nous parle d’une star sans héritage, puisque même des « ruines » (dont il était le chantre) il n’en reste pas, dans le Berlin d’aujourd’hui, des brillantes œuvres de l’architecte et amour du Führer.