Roman complexe et en partie autobiographique, Un pur espion démontre, s’il en était besoin, le génie de John le Carré.
Quand on parle de roman d’espionnage, on a beau faire des détours du côté de Ian Fleming (créateur de James Bond) ou de Terry Hayes (Je suis Pilgrim), il convient toujours de revenir à la base : John le Carré. Simple, basique. Décédé en 2020, celui qui travailla brièvement pour les services de Renseignement britanniques a laissé une littérature d’espionnage considérable, dont quelques chefs-d’œuvre comme L’Espion qui venait du froid, La Taupe ou encore La Constance du jardinier. Si Un pur espion ne peut être considéré comme la meilleure porte d’entrée de l’œuvre de le Carré, par sa taille (près de 700 pages) et par sa complexité, le roman ravira tout fan du maître.
En pleine Guerre froide, Magnus Pim est « a perfect spy », soit un pur espion. Le problème : il a disparu. Alors que les services secrets britanniques le recherchent, c’est l’heure de l’introspection pour Magnus Pim, le moment pour lui de revenir sur ses études, son parcours professionnel, la mort de son père dans une Angleterre au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Un pur espion fascinera tous les amateurs de l’œuvre de John le Carré tant l’œuvre a un côté autobiographique. Le père de Magnus Pim, Rick Pim, est librement inspiré par le père de le Carré, un escroc en tous genres dont l’auteur raconte quelques frasques en avant-propos. On notera également l’absence de mère pour Magnus, alors que John le Carré n’a pas vraiment connu la sienne. Bref, pour tout fanatique cherchant à tisser des liens entre la vie d’un auteur et ce que ce dernier met dans ses livres, Un pur espion est à lire.
Mais il reste également, comme dans tous les romans de le Carré, le jeu intellectuel qu’on éprouve face à une telle lecture. D’une complexité rare (munissez-vous d’un papier et d’un stylo !), Un pur espion multiplie les personnages et joue habilement avec la temporalité. Tout l’enjeu pour le Carré est de revenir sur le passé d’un homme qui s’est construit en opposition à son père. Reste, en plus, que le Carré écrivait de son livre : « A l’exception peut-être de La Constance du jardinier, œuvre bien plus tardive, Un pur espion reste le préféré de tous mes romans ».
Un pur espion, John LE CARRE, traduit de l’anglais par Nathalie Zimmermann, Editions du Seuil, Points, 696 pages, 10,20 €
Visuel : © Couverture du livre Matt Taylor/Penguin Books