Alors qu’on célèbre les cent ans de Mrs Dalloway, Folio publie en version bilingue l’essai féministe de Virginia Woolf.
La thèse est célèbre : « Une femme doit avoir de l’argent et un lieu à elle si elle veut écrire de la fiction. » Un lieu à soi (A Room of One’s Own pour sa version originale) rassemble deux conférences de Virginia Woolf prononcées dans les colleges pour femmes de Cambridge en octobre 1928. Woolf est en effet invitée à disserter sur les femmes et la fiction. Dès l’ouverture, elle note qu’elle va dérouler son chemin de pensée (« je me suis assise sur les berges d’une rivière et je me suis interrogée sur le sens de ces mots »). On suit alors l’autrice divagant à « Oxbridge », se faisant recaler d’une bibliothèque où elle ne peut entrer sans un homme, s’étonnant que tant d’hommes publient des livres sur les femmes lorsqu’elle se rend à la bibliothèque du British Museum, etc. L’auteure d’Orlando convoque également un nombre important de références à la littérature britannique (Tennyson, Milton, Thackeray, Lamb…) sans oublier des écrivaines comme George Eliot, George Sand, Jane Austen et les sœurs Brontë.
Près de cent ans après sa parution, Un lieu à soi désarçonne par sa structure. A la fois essai, récit autobiographique, fiction utopique et manifeste idéologique, le livre se révèle finalement difficile à suivre, parsemé de digressions et de réflexions en tout genre. En revanche, le livre reste bien d’actualité en mettant avant les relations de pouvoir que les hommes exercent sur les femmes, le « male gaze », le manque d’éducation des femmes, la difficulté pour elles à être indépendantes financièrement, etc.
Cette édition bilingue présente sur la page de gauche le texte en anglais, assez lisible si on possède un bon vocabulaire, et sur la page de droite la traduction de Marie Darieussecq. Mais, entre nous, on est en droit de préférer la Virginia Woolf romancière à la Virginia Woolf essayiste.
Un lieu à soi / A Room of One’s Own, Virginia WOOLF, traduit de l’anglais par Marie Darrieussecq, Folio bilingue, 368 pages, 11,90 €
Visuel : © Couverture du livre