Le lauréat du prix de la nouvelle de l’Académie française 2021 revient avec un court récit consacré à son frère schizophrène. Émouvant.
La littérature s’empare peu à peu de la question de la santé mentale. Sans parler de « mode », il est toujours intéressant voir émerger des thèmes auparavant tabous. Récemment, difficile de ne pas penser à Mon vrai nom est Elisabeth d’Adèle Yon, une enquête de l’autrice sur sa grand-mère diagnostiquée schizophrène. Ou encore à Intérieur nuit de Nicolas Demorand, témoignage du journaliste sur sa bipolarité.
Dans son nouveau court récit, David Thomas, que l’on connaît plus pour ses nouvelles, véritables instantanés, se penche sur la maladie mentale de son frère. Le livre s’ouvre par la découverte par l’écrivain du cadavre de son frère, « mort d’un double AVC, ischémique et hémorragique ». Souffrant depuis une quarantaine d’années de schizophrénie, Edouard Thomas consommait abondamment tabac, alcool, cannabis tout en ne suivant pas son traitement médicamenteux à la lettre.
Un frère fait le portrait douloureux et sensible d’un homme qui « oscillait entre des épisodes de forte dépression, d’apathie paralysante, et de bouffées délirantes qui se manifestaient par des discours incohérents, une forte paranoïa et/ou une excitation injustifiée et excessive ». David Thomas alterne les disputes, les drames, les tensions entre son frère et lui, son autre frère et ses deux parents. Et, d’un autre côté, les véritables moments de joie, notamment sur la fin de l’adolescence, où on sent tout l’amour que portait l’auteur à son aîné.
Si environ 600 000 personnes sont diagnostiquées schizophrènes en France, le récit nous invite à comprendre l’intérieur de la maladie. Rien de nouveau nous direz-vous ? Pourtant, la langue de l’auteur, sensible, délicate et précise fait de ce récit un très beau tombeau. Le livre se double d’une réflexion sur l’écriture même, David Thomas questionnant sans cesse son travail. L’exercice pourrait être lourd. Il ne l’est pas, l’auteur balayant les reproches que l’on pourrait lui faire (« Je n’ai pas hésite une seconde à forcer un peu le trait, à en faire un peu trop, à embellir mon frère, jusqu’à frôler la glorification. »). Finalement, Un frère se lit d’une traite, à la fois éloge de l’amour fraternel et portrait d’une maladie souterraine.
Un frère, David THOMAS, Editions de l’Olivier, 144 pages, 19,50 €
Visuel : © Couverture du livre