Anders Lustgarten est un dramaturge britannique, connu pour sa pièce Lampedusa qui a été jouée dans 40 pays. Il est également militant politique et sportif de haut niveau. Son premier roman « Trois enterrements », dépeint avec un humour corrosif l’Angleterre contemporaine et sa politique migratoire.
Ils sont sept sur le bateau, voguant vers l’Angleterre, s’élançant vers l’avenir. Omar garde précieusement la photographie plastifiée d’Asha, qu’il veut rejoindre à Londres. Une tempête se lève, la fragile embarcation est sur le point de chavirer. Mais quand un navire s’approche, ce ne sont pas des secouristes mais les « défenseurs du royaume » qui, sous la houlette de l’inspecteur de police Barrat, traquent illégalement les migrants. Omar tente de monter à bord. Mortellement frappé par Barrat, il est rejeté à la mer. Andy Jakubiak, un jeune policier filme…
Quand elle se réveille sur la plage après une soirée arrosée, l’infirmière Cherry découvre le corps d’Omar. Il ressemble étrangement à son fils Liam qui s’est récemment suicidé. Cherry est bouleversée et se fait une promesse : rendre le corps d’Omar à son amoureuse Asha afin qu’il soit dignement enterré. Mais Barrat veut récupérer le corps, effacer les preuves du meurtre. Commence pour Cherry et Andy Jakubiak une incroyable cavale avec rebondissements et courses poursuites, jusqu’à une improbable arrivée à Londres au cœur d’une émeute.
« Trois enterrements » est un roman frappant pour le-la lecteur-rice. Le style d’Anders Lustgarten est percutant, très rythmé, très imagé aussi. La scène de la tempête en Manche est spectaculaire. L’auteur manie avec succès un humour décapant qui rend la lecture du livre souvent très drôle. Il est burlesque, fantasque, comme cette traversée de Londres en décapotable rose avec un cadavre dans le coffre ou comme la rocambolesque exfiltration d’Abdi, l’ami d’Omar, du centre de détention. Mais on y adhère et certaines scènes sont incroyables comme la suture improvisée par Cherry de la plaie béante d’Andy dans un hôtel minable. Le personnage de Cherry est inoubliable. Éprouvée par l’épidémie de Covid, la disparition de son fils, les conflits familiaux cette infirmière est une « mère courage », généreuse et insubmersible.
Mais ce roman a aussi une indiscutable dimension politique. A travers les parcours d’Omar et d’Abdi il nous fait toucher du doigt le vécu des migrants. Il dénonce le racisme d’une partie de la police et porte un regard impitoyable…. et très drôle sur la Grande Bretagne. La fin du roman a une dimension anthropologique : les émeutes sont décrites comme une crise sacrificielle et la mission de Cherry a une dimension universelle, celle de restaurer en toute circonstance la dignité humaine.
Anders Lustgarten nous offre un roman drôle imaginatif, dérangeant peut être, mais cet humour est au service des humbles et des plus humbles d’entre eux : les migrants.
Anders Lustgarten, Trois enterrements, traduit de l’anglais par Claro, Actes Sud, 304 pages, 22,5 Euros, sortie le 3 09 2025