LE livre sur l’anorexie mentale qui devrait tomber entre toutes les mains.
« Toute écriture est une lutte contre la mort ». Cette phrase pourrait à elle seule résumer Tombée du ciel. Elle pourrait même figurer sur le bandeau de l’éditeur tant dans son premier roman la journaliste au Figaro littéraire Alice Develey plonge dans le sang sa plume et ce, pour mieux creuser ses blessures et, peut-être, les cicatriser.
Tombée du ciel nous entraîne ainsi dans les souvenirs d’adolescence de l’autrice, une adolescence faite de traitements et de blouses blanches, de gavages forcés et d’amitiés brisées, de maltraitances banalisées et de douceurs volées. Journal de la dernière heure, car la narratrice enfermée entre les quatre murs d’une cellule d’unité psychiatrique, a pris la décision de se suicider le lendemain, Tombée du ciel ne nous épargne rien d’une maladie, l’anorexie mentale, sur laquelle on glose beaucoup mais finalement sur laquelle on ignore encore beaucoup. D’où, l’inadéquation totale des traitements médicaux proposés aux jeunes patientes. D’où, la schizophrénie ressentie quand cohabite vraiment en vous une petite voix qui vous murmure « Sissi, tu es sur la bonne voie » en refusant d’ingérer tel ou tel aliment. D’où, la détresse des personnels médicaux et des familles face à une maladie dont on tait encore trop souvent le nom.
Tombée du ciel est sans doute le livre coup de poing de la rentrée. Le livre que de nombreuses personnes, malades ou guéries de l’anorexie, attendaient depuis bien longtemps. En lui, lucidité et noirceur croisent le fer. Il laisse une trace. Trace de sa narratrice qui va (plus qu’elle ne le veut) mourir. Trace pour celles et ceux qui se demandent ce qu’iels vont bien pouvoir devenir quand ce qui les constitue est une maladie qui a disparu. Trace pour prouver, s’il le fallait encore, que la littérature n’est pas que mots proprets et bien douillets. L’écriture d’Alice Develey n’est pas mignonne et douce. On n’en ressort pas propre, comme à la sortie du bain. On passe de la colère aux larmes. Elle a ce côté dégueulasse et je-m’en-foutiste nécessaire à l’éclosion de la beauté dans ce taudis de vie qui est parfois la nôtre. Aussi, si l’anorexie est « l’explosion d’une étoile », on ne saurait qu’espérer que ce premier roman soit placé sous une bonne étoile !
Alice Develey, Tombée du ciel, sortie le 22 août 2024, Paris, Iconoclaste, 400 p., 20,90 euros.
Visuel : © Couverture du livre