Sophie Galabru est philosophe. Dans son essai «Faire famille» elle étudie les contradictions, les fragilités, les espoirs suscités par la famille. Elle nous propose des pistes pour améliorer nos liens familiaux.
« Une pluralité d’êtres évoluant sur une longue durée ». On pourrait ainsi caractériser la famille, expliquer ses contradictions. Pour Sophie Galabru, la famille est une fabrication, un perpétuel exercice de composition. Elle est soutenue par une exigence d’affection, mais la réalité diffère souvent de l’idéal.
Sophie Galabru pose la question, y compris à elle même: pourquoi et comment faire famille ? Faut-il privilégier la lignée ou le foyer, l’héritage ou le soin ? Mais elle n’est pas toujours un foyer protecteur. L’auteure déplore les côtés sombres de la vie familiale : excès d’autorité, violences, cohésion à tout prix aux dépens du bien-être de ses membres. Il existe une « morale familialiste » qui au maximum devient clanique et s’extrait de la loi. Autre contradiction, la famille doit « faire venir puis laisser partir ». Elle est confrontée aux séparations, aux deuils, aux ruptures. Le départ des enfants peut être douloureux, c’est « le syndrome du nid vide », mais cette séparation est souvent nécessaire pour devenir un adulte qui ne se contente pas d’un « faux self », d’un « fantôme d’égo ». L’auteure aborde, à travers l’héritage, le rôle socio-économique de la famille. Elle est un espace politique confronté à des rôles, des enjeux de pouvoir. La transmission est aussi un désir légitime de rester en lien. Des liens familiaux qui nous aident à vivre malgré l’ombre de la mort.
L’essai de Sophie Galabru est riche, érudit. Sa lecture est très agréable. La dimension personnelle est présente, elle part de son vécu familial évoquant, par exemple, la place exorbitante prise par le théâtre dans son enfance. Les références littéraires, philosophiques, psychanalytiques et surtout cinématographiques sont nombreuses éclairant le propos de l’auteure.
La critique de la famille patriarcale autoritaire est sans appel. L’essai comprend de nombreux points originaux. Son analyse subtile des réitérations familiales fait appel à la psychologie. Sa définition de l’individu est séduisante. Il est à la fois un syncrétisme c’est-à-dire un carrefour d’influence et une idiosyncrasie, une personne unique. Originale aussi l’inversion des rôles qu’elle propose lorsque l’enfant peut devenir le maître d’apprentissage voire le thérapeute de ses parents.
La vision de la famille de Sophie Galabru peut paraître pessimiste, sombre parfois. Elle est surtout en quête de lucidité. On doit analyser, comprendre ses liens familiaux pour « devenir ce que l’on veut être », pour le cas échéant faire soi-même famille. Elle nous donne des pistes pour améliorer nos liens familiaux: la vérité en particulier aux enfants, le respect de l’altérité, la plasticité relationnelle.
Le lecteur pourra être convaincu par la proposition de l’auteure : « la famille est une constellation de liens ». Une constellation mouvante, en équilibre précaire, mais qui doit être éclairée par des valeurs qui sont finalement celles de la démocratie.
Sophie Galabru, Faire famille, Allary Éditions, 240 pages, 20,9 Euros, sortie le 12 Octobre 2023
Visuel ©: Couverture du livre, Allary Éditions.