« Philosophesses » pour une philosophie inclusive et accessible
par Camille Zingraff15.04.2025
Philosophesses est un texte nécessaire, militant et drôle au sein duquel Léa Waterhouse nous fait traverser avec légèreté l’histoire de la philosophie à travers les siècles. Avant tout, c’est un voyage philosophique de déconstruction des mythes au travers du monde et des figures oubliées qu’elle nous propose Avec cet essai, l’autrice réhabilite les philosophesses et les autres outsiders de la pensée, souvent écarté.e.s au profit du bon buste marbré de blanc d’un Descartes ou d’un Aristote.
Une archéologie de la pensée marginalisée
Dans les premières pages de son livre, l’autrice illustre la difficulté de trouver ne serait-ce que les noms de certaines philosophesses, ou de citer des philosophe.sses noir.e.s. Par ailleurs, elle en profite pour remettre sur le devant de la scène le terme « philosophesses ». Ce terme, loin d’être un néologisme contemporain, existait bel et bien dès le XIVᵉ siècle, mais a été écarté, témoignant de l’invisibilisation des femmes philosophes. Ainsi, elle nous apprend que René Descartes a en réalité volé ses idées à Thérèse d’Avila, qu’Émilie du Châtelet a été la première femme publiée par l’Académie.
Avec cet ouvrage, l’autrice réhabilite tout un héritage de la pensée au travers de cette discipline élitiste et masculine qu’elle s’attèle à déconstruire.
La philosophie peut être amusante et didactique
Avec justesse et virtuosité, Léa Waterhouse nous prouve qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser des mots alambiqués et de faire des paragraphes à rallonge pour nous faire philosopher. Cet aspect de son travail est particulièrement remarquable dans la conception même de l’ouvrage : en dehors du jaune et du bleu vif qui viennent égayer nos bibliothèques, la mise en page de l’ouvrage brise le manuel de philosophie classique. Pour rendre son discours lisible, agréable et accessible, certaines phrases ont une police bien plus grande que celle du corps de texte et interpellent l’œil, tout en nous rappelant que l’on ne lit pas un ouvrage philosophique barbant, mais bel et bien une réflexion fluide et lisible. De plus, l’utilisation banalisée de l’écriture inclusive rajoute encore plus de fraicheur à cette réflexion, démontrant que son usage n’alourdit pas le propos et s’insère à la perfection dans des écrits, mêmes philosophiques.
Ainsi, par son support premier, Philosophesses et autres outsiders de la pensée est frais, vif et passionnant.
Philosopher, partout, tout le temps
Dans son approche philosophique, Waterhouse nous démontre que la philosophie est à portée de mains… et d’oreilles. Dans le quatrième chapitre, elle valorise la pensée personnelle, le vécu individuel ou encore la pop culture. Elle nous encourage à légitimer les réflexions provoquées par les paroles des rappeur.euse.s, les films ou les vidéos YouTube.
Cette philosophie populaire et contemporaine nous rend toutes et tous philosophe.esse.s tout en dépoussiérant la discipline bien trop souvent élitiste et perçue hors d’atteinte.
Réhabilitation d’un matrimoine
Ainsi, les philosophesses sont nombreuses, existent et ont existé ! Léa Waterhouse déterre de l’oubli une nuée de philosophesses : Hypatie d’Alexandrie, Olympe de Gouges, Amatie Lucile Dupin connue sous son homonyme Georges Sand, Thérèse d’Avila, Emilie du Châtelet, Nana Asma’u, Angela Davis, Vandana Shiva…
Le regard contemporain de cet essai nous fait repenser nos systèmes de pensée et nos répertoires de références dans une démarche de décolonisation et d’inclusion de tous.tes. Par son approche simple et accessible de la discipline philosophique, l’autrice légitimise notre droit à philosopher, tout en nous motivant à le faire !
Portrait d’une philosophesse contemporaine : Léa Waterhouse
Sur les réseaux, Léa Waterhouse a créé un podcast dédié aux femmes philosophes intitulé : Philomène la danse. L’autrice explore les archives philosophiques pour en extraire de grandes penseuses bien trop souvent silenciées et marginalisées. Son travail de vulgarisation, à la fois sur le podcast, via ses réseaux et par ce livre, rend la philosophie vivante et ancrée dans les enjeux sociaux d’aujourd’hui.
Aux côtés de penseuses comme Blanche Leridon, Alice de Rochechouart ou Gabrielle Pozzo di Borgo, elle participe à la création d’espaces de pensée inclusifs, joyeux et accessibles — et surtout, profondément passionnants.
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