“Perspective(s)” de Laurent Binet : Un bijou sous tous les angles

L’auteur de Civilizations ou de HHhH nous a habitués aux romans dans lesquels il est difficile de dissocier la fiction de la réalité, la littérature du récit historique. Pourtant, il parvient encore à piquer notre curiosité. Et ce, dès le prologue de son nouveau livre en se présentant comme le seul messager d’une histoire ou, plutôt, d’une liasse de lettres qui, mises bout à bout, forment un tout. Ne reste plus alors qu’à se plonger dans leur lecture et à les dévorer jusqu’à l’aube !

Le matin, justement, se lève sur Florence en ce 2 janvier 1557. Un matin bien triste puisque le corps du Pontormo a été retrouvé dans la chapelle San Lorenzo. Grande figure du maniérisme et ancien élève de Léonard de Vinci, ce peintre travaillait depuis onze ans à la réalisation de fresques capables de rivaliser avec celles de la chapelle Sixtine. Qui a tué Pontormo ? Et pourquoi aurait-il retouché son œuvre juste avant de mourir ? C’est pour résoudre ce double mystère que le duc de Florence, Cosimo de Médicis, dépêche son plus fidèle serviteur, Giorgio Vasari. S’en suit un échange de lettres entre ce dernier, Michel Ange et tout un tas de personnages. Car, les suspects ne manquent pas. Pas plus que les luttes de pouvoir. Les mésaventures florentines pourraient bien constituer pour Catherine de Médicis l’occasion rêvée de reprendre le duché…

Avec ce roman, Laurent Binet réinvente les codes du genre épistolaire. Bien sûr, à la lecture de ces lettres, difficile de ne pas penser aux Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Il y a beaucoup de Cécile de Volanges dans Maria, la fille du duc de Florence. Catherine de Médicis, froide et calculatrice, incarne quant à elle une parfaite Madame de Merteuil. Mais l’auteur joue mieux que personne sur la polysémie de “perspectives”. Il donne à entendre le point de vue de chaque personnage. Il offre à voir une représentation synoptique de la situation. Il se lance dans une leçon de peinture mais avec, en toile de fond, les luttes sociales de l’époque. Aussi, on a beau regarder Perspective(s) sous tous les angles, on en arrive toujours à la même conclusion : une pépite !