Conque est le deuxième roman de Perrine Tripier. Elle raconte une découverte archéologique fabuleuse mettant en lumière le peuple Morgonde, ayant vécu il y a un millénaire. Un texte souvent poétique qui explore aussi les rapports entre l’historien(e) et le pouvoir.
Martabée est une historienne universitaire reconnue lorsqu’elle est emmenée par deux gardes au palais de l’empereur. Un palais imposant ! L’empereur est un géant à la longue chevelure rouge, à la fois majestueux et grotesque. Il lui confie une mission capitale : écrire l’épopée des fouilles en cours dans sa capitale, afin que tout le peuple y adhère. Au bord de la mer, au pied d’une dune, Martabée va découvrir un chantier exceptionnel. Il concerne les Morgondes, un peuple de guerriers dont la légende fait partie du récit national. Les archéologues mettent à jour une nécropole avec des guerriers enterrés auprès de leur épée, un palais aux somptueuses colonnes, une ville entière. Ils découvrent de grandes conques recouvertes d’or qui devaient servir d’instruments de musique. Le peuple de guerriers était aussi un peuple d’artistes. Martabée adhère au projet, elle se sent belle, puissante, reconnue, même si elle doit intégrer à ses articles les « ampoulades » de l’empereur qui, lui, ne pense qu’à sa gloire. Mais, peu à peu, elle ressent comme un malaise… Et que va révéler la zone 6, enfouie sous un mystérieux dôme noir ?
Perrine Tripier a écrit un conte. Le roman commence par la lecture à un enfant, pour qu’il s’endorme, de la légende des Morgondes. Le texte est très littéraire, le style souvent très beau. Les descriptions sont remarquables et apportent au livre une dimension poétique. L’auteure nous fait vivre sur un chantier archéologique, elle nous transmet l’exaltation des archéologues et historiens face à leurs découvertes.
Mais le livre aussi une fable politique. Le personnage de l’empereur n’est pas que ridicule, il est inquiétant, despotique. Il est manifestement tenté par le culte de la personnalité et veut mettre l’archéologie au service de sa gloire. Le texte parle donc aussi de la récupération de l’histoire par le pouvoir, de l’utilisation du roman national par des dirigeants peu scrupuleux. Perrine Tripier, à travers le personnage de Martabée, s’interroge sur le rôle de l’historien qui doit écrire, reconfigurer, imaginer l’histoire, mais non l’inventer comme le voudrait l’empereur. Et que va-t-elle pouvoir faire si le mythe des Morgondes s’effondre, menaçant le glorieux récit national imaginé par l’empereur ?
L’historien face aux tentations de manipulations de l’histoire : le thème du roman de Perrine Tripier résonne dans l’actualité contemporaine.
Perrine Tripier, Conque, éditions Gallimard, 208 pages, 19,5 euros, sortie le 22 08 2024.