Portrait fantasque du réalisateur de Citizen Kane, la bande dessinée revient notamment sur les difficultés que rencontra Welles à terminer son film De l’autre côté du vent.
En 2018, Netflix frappe un grand coup en sortant un film inédit d’Orson Welles, un film maudit, De l’autre côté du vent. Projet pharaonique ayant occupé de nombreuses années le réalisateur, le film rencontra de nombreux soucis de financement et de montage. Si bien que Peter Bogdanovitch, qui avait passé énormément de temps avec Welles pour son livre This is Orson Welles (DeCapo Press, 1998), s’en était vu confier la mission d’en terminer le montage. Le roman graphique de Youssef Daoudi, Orson. Welles, l’artiste et son ombre revient grandement sur la gestation de De l’autre côté du vent, servant de fil rouge au déroulé de la vie d’Orson Welles.
La bande dessinée revient sur le parcours iconoclaste de cet homme qui déclarait : « J’ai eu un pot comme jamais personne dans l’histoire du cinéma, et puis j’ai eu la pire poisse du monde pour avoir eu le meilleur pot dans tout l’histoire du cinéma. » Réalisé à vingt-trois ans, Citizen Kane, son premier film, sorti en 1941, marque l’histoire du cinéma, suivi de peu par un autre chef-d’œuvre, La Splendeur des Amberson (1942). À partir de là, Welles va être pris d’une forme d’hubris, menant de constantes batailles avec ses producteurs pour bénéficier de la final cut (le montage final d’un film), et partira de nombreuses fois à la recherche de financements. La bande dessinée revient sur l’ego démesuré du bonhomme (construit dès son enfance), son appétit gargantuesque (on ne compte pas les scènes où on le voit manger), ses diverses apparitions pour récolter des fonds (nombreuses publicités, petits rôles dans de nombreux films à droite à gauche, etc.). Et bien sûr, Orson revient sur toutes les théories de Welles sur le Septième art : du cadrage au son en passant par le montage (« La notion de mise en scène au cinéma est une pure invention des critiques. Toute l’éloquence du cinéma est accomplie dans la salle de montage ; et c’est le seul endroit où on peut avoir quelque contrôle sur un film. »).
Tel Pablo Larraín déconstruisant à chaque film (Jackie, Spencer, Maria) la notion même de biopic, Youssef Daoudi opte ici aussi pour un geste artistique. Dans de très beaux dessins colorés de blanc, noir et jaune, l’auteur ne déroule pas de façon chronologique la vie de Welles, créant une certaine confusion chez le lecteur et la lectrice, telle la confusion qui devait elle-même battre dans le crâne de Welles. La bibliographie finale rend compte d’un réel sérieux dans la documentation. On ressort donc un peu sonné d’un tel geste artistique : si on peut applaudir le côté recherche graphique, on est en droit d’être un peu plus mitigé sur la narration même du récit qui pourrait décourager celles et ceux qui ne connaissent rien à la vie du réalisateur de La Soif du mal (1958).
Orson. Welles, l’artiste et son ombre, Youssef DAOUDI, Delcourt, 280 pages, 18,95 €
Visuel : © Couverture du livre