Un roman où l’archive se fait chair, où la voix cherche à conjurer le silence, où la mémoire des disparus se confond avec celle des vivants.
En 1979, au large de l’Italie, le navire Emmanuel Delmas sombre dans la brume. Charles Richeux, officier radio et oncle de l’autrice, y perd la vie. Depuis, la famille vit avec une certitude fragile : « On ne saura jamais ». Et pourtant, ce « jamais » sonne comme une injonction. Marie Richeux décide de reprendre l’enquête, de replonger dans les archives, dans les articles de presse, dans les dossiers diplomatiques, mais aussi dans les souvenirs de ceux qui restent : veuves, capitaines, cousins. Officier radio navigue ainsi entre roman familial et reconstitution documentaire. Ce n’est pas seulement l’histoire d’un naufrage, c’est aussi celle d’une Bretagne discrète, tissée de champs, de clubs de foot, d’attentes interminables au bord de la mer.
Comme dans ses précédents textes, Marie Richeux déploie un art de la collecte qui lui vient sans doute de la radio : elle recueille des voix, des bribes, des traces. Ici, c’est son propre passé qu’elle enregistre, en suivant les échos de ce frère disparu que son père ne parvient pas à nommer autrement que par le silence. Le mutisme des pères, le mutisme des marins, le mutisme des hommes peut-être. L’autrice en fait une matière littéraire, pudique et vibrante. Officier radio n’est pas un tombeau ni une solution au mystère, mais une tentative : tenir tête à l’effacement, faire dialoguer l’émotion et l’archive, l’intime et l’Histoire. En cela, le livre se lit comme une ode à la littérature elle-même, ce fragile appareil de transmission qui, face à la disparition, n’offre jamais de certitude, mais permet de poser la seule question qui compte : comment ne pas oublier ?
Marie Richeux, Officier radio, sortie le 22 août 2025, Sabine Wespieser, 240 p., 21 euros.
Visuel : © Couverture du livre