Nicole Lapierre dresse le portrait tendre d’un « affabulateur de génie »
par Yaël Hirsch15.10.2023
Dans le récit qu’elle publie au Seuil, Nicole Lapierre dresse le portrait d’un camarade de jeunesse Ulysse Moïse. Un homme qui a prétendu beaucoup, accompli peu et qui est mort prématurément. Trente ans après sa mort, elle livre un joli portrait en pointillé de l’activiste et d’une époque…
Un compagnon charismatique
C’est donc en 1968 à Nanterre que la socio-anthropologue Nicole Lapierre a rencontré Ulysse Moïse. Charismatique, maoïste mais moins sectaire que certains autres compagnons, il se disait juif, américain, noir, déserteur du Vietnam et a usurpé une identité d’intellectuel révolutionnaire international qui aurait côtoyé les plus puissants. Séduisant et séducteur, il s’est également inventé des maîtresse célèbres… Mais c’est surtout comme ami, malgré ses affabulations qu’Ulysse a connu ses vrais succès. En 1991, alors qu’il tente de réunir certains ses camarades de l’époque lors d’un colloque très important pour lui à Rome, il meurt brusquement à l’âge de 44 ans. Dans le déni de la maladie et le refus des soins…
Portrait d’une génération
Difficile de faire de l’affabulateur avec panache le martyr d’une cause et d’une génération. Et pourtant, Nicole Lapierre retrace patiemment, 60 ans après les faits et 30 ans après la mort du copain faussaire la réalité d’une vie. Une vie qui reste mystérieuse, si ce n’est pour affirmer l’usage constant du mensonge. En pointillés, dans les faits, on devine surtout la trajectoire d’un révolutionnaire finalement pas très au-dessus de la mêlée. Mais dans la langue de Nicole Lapierre, c’est tout une génération qui se promène avec son propre miroir. On y lit bien les différents sédiments personnels de la tristesse de perdre un ami qui a été un point fixe, de la colère face au mensonge, puis de la tendresse. Mais cette tendresse est-elle douceur et pardon pour un homme finalement peu connu ? Ou un regard d’adulte sur sa propre jeunesse en révolte? Portrait et auto-portrait se mêlent à une émotion qui n’empêche pas la lucidité.
Nicole Lapierre, Le plus menteur d’entre nous, Seuil, Traverse, 18 euros. Sortie le 15/09/2023.
Visuel (c) couverture du livre
