« Ne jamais arriver » de Béatrice Commengé : un livre qu’on aimerait ne jamais terminer

Éloge des lieux

Il est des voyages qui, toujours, semblent se dérober à nous. Il est des contrées qui, à jamais, semblent ne survivre que dans nos souvenirs. Il est des lieux qui, souvent, n’existent qu’au travers des récits que nous en faisons, des livres que nous feuilletons, des images que nous contemplons sur l’écran froid de nos ordinateurs. Et puis, parfois, nous prend l’envie d’accoster, de mettre un pied – et peut-être un visage – sur ces rivages de chimère et papier glacé.

Voyage

Pour Béatrice Commengé, le voyage devait l’emmener jusqu’à l’Insula Ovidiu, l’île d’Ovide, au large de Tomis, ce port lointain de la mer Noire où l’auteur de L’Art d’Aimer fut relégué par Auguste à l’aube du premier millénaire. Mais l’épidémie de Covid-19 en a décidé autrement. Et voilà son périple repoussé encore et encore. Peut-être à jamais. Mais l’essentiel n’est pas de savoir si elle va ou non finir par y arriver.

Avec ce récit de voyage immobile, Béatrice Commengé nous fait voguer dans les plus belles pages de la poésie. Tel un carnet de voyage, elle dresse un portrait de l’état du monde, du dedans et du dehors. Elle nourrit un rêve : celui de nous offrir un refuge duquel se dégagerait la douceur d’une cabane, sa quiétude. Une île parfaite qui plutôt que de nous vendre du rêve, nous inviterait à la lenteur. Car, l’impossibilité d’accoster ne saurait apparaître comme un désagrément. C’est aussi la chance d’entrouvrir un espace pour la rêverie. D’où, toute l’importance d’accorder de la place aux aléas. Et si les coïncidences font le bonheur des inventeurs d’histoire, l’on se doit de reconnaître que Béatrice Commengé compte parmi les meilleures conteuses. À notre plus grand bonheur !