Anne Sefrioui, éditrice spécialisée dans le domaine du livre d’art, vient de publier chez Hazan un luxueux ouvrage sobrement intitulé Monet, dans le cadre des 150 ans de l’impressionnisme (avril 1874 – avril 2024).
L’édition d’art innove ici, qui s’inspire sans doute des magazines d’antan destinés à la jeunesse. Ainsi, la découverte – ou redécouverte – de l’œuvre de Claude Monet (1840-1926), est présentée pour la première fois à notre connaissance non seulement sous une couverture « en vraie toile imprimée dont le motif se prolonge en un jaspage harmonieux », autrement dit sur les six facettes de l’ouvrage contaminé par un pointillisme coloré, avec une soixantaine de luxueuses reproductions d’œuvres majeures du peintre et six de ses chefs-d’œuvre insérés dans le brochage sous forme de dépliants s’allongeant ou s’élargissant à l’envi, de façon spectaculaire, faisant, eux aussi… impression.
En peu d’années, Monet passe du naturalisme à l’impressionnisme. Le livre illustre cette évolution, exemples à l’appui et autant de chefs-d’œuvre : Le Pavé de Chailly, Fontainebleau (1865), La plage à Sainte-Adresse (1867), Les Coquelicots à Argenteuil (1873), La Seine à Vétheuil (1880)… et de l’impressionnisme à la non-figuration avec Le Chemin à travers les iris (c. 1917), La Rue Montorgueil, à Paris, Fête du 30 juin 1878 (1878). Sans parler des Nymphéas (1906) d’un artiste-voyant peignant « à l’aveugle » vers la fin de sa vie. La série de chapitres « Voir en grand » s’ouvre sur un diptyque qui se métamorphose en triptyque avec Impression, soleil levant (1872), titre proposé par Monet peu avant son exposition boulevard des Capucines, puis moqué par un critique réactionnaire du Charivari traitant d’impressionnistes les artistes amis du peintre, tableau et manifeste d’un mouvement qui allait marquer l’histoire de la peinture.
La nouvelle collection de livres d’art d’Hazan porte pour titre générique « L’art plus grand », ce qui veut dire qu’elle sera consacrée aux plus grands des artistes – la taille physique n’entrant pas en ligne de compte, un créateur comme Toulouse-Lautrec l’ayant démontré. Avec Femme à l’ombrelle, Madame Monet et son fils (1875), le peintre passe du paysage au portrait. Au double et trouble portrait. Le flou du toucher est tel que la peinture prend le dessus sur le dessin. Les reflets dorés verdissent la partie basse du tableau qui se présente, comme il se doit, en format portrait. Ils réchauffent l’atmosphère — ce mot, chez Monet et ses confrères, ayant son importance.
Bordighera (1884) contraste avec la manière éthérée des œuvres précédentes de l’artiste. Anne Sefrioui observe que pour « son œil habitué à la douceur normande », la lumière naturelle de la Riviera italienne produit sur lui « un véritable choc » tant elle y est « terrible ». Elle précise que « de gros efforts lui sont nécessaires pour la maîtriser » et que la composition de la toile rappelle celle des paysages de Hiroshige, dont Monet collectionnait les estampes. S’ensuit la reproduction d’une composition en hauteur, Palazzo Dario (1908), dans le style de la série des cathédrales de Rouen. D’après Alice, sa seconde épouse, citée par Philippe Sollers dans son Dictionnaire amoureux de Venise (2004), Monet déclara en découvrant la cité des Doges : « C’est trop beau pour être peint ! C’est inrendable ! »
Visuel : ©Étretat, l’Aiguille et la falaise d’Aval, 1885, The Clark Art Institute, Williamstown.