« Mes Labyrinthes » : Florian Forestier nous emmène au cœur de ses questions sur l’autisme

« Le diagnostic me donne prise sur les choses, mais me rend soupçonneux envers moi-même. Dans les premiers temps, il met tout ce que j’étais en suspens. Je suis comme nu, recommencé. Je ne sais plus ce qui chez moi est force ou pathologie. Dans le doute, je ne crois plus en rien. J’écoute et accueille tous les mots, tous les conseils, toutes les remises en cause. C’est un brassage, une sorte d’effondrement.»

Les cercles de l’autisme

« Troubles du spectre de l’autisme », le mot est lâché quand Florian Forestier a 25 ans. Et il n’est pas sûr que le diagnostic ait beaucoup aidé ce jeune homme brillant, docteur en philosophie et premier au concours de bibliothécaire passé en candidat libre en 2008. Une fois le label posé, plein de séquences s’ordonnent, s’expliquent, peuvent se recomposer. Certains médicaments peuvent se prendre aussi. Mais cela ne suffit pas forcément à rendre la vie plus facile…

Un impensé de nos sociétés

Élevé en Suisse par un papa musicien proche de Boulez et Sacher et une mère très aimante, Florian Forestier s’identifie à ce père qui, lui, n’a pas eu de diagnostic et s’est plutôt réfugié dans l’obsession de la musique. Avant et après le diagnostique performatif sur ce qu’il est, Florian Forestier se présente comme il est : brillant, plein d’énergie, il anime des think tanks, lance des études, aime faire de l’alpinisme. Mais aussi, ce qu’il paraît : depuis longtemps, on lui renvoie une image un peu décalée, ce qui n’est pas congruent dans sa vie. Depuis toujours, il a l’impression de pousser des pierres sans rien construire et l’autisme vient expliquer ce décalage à la Sisyphe :

« Je n’entre dans rien, surtout pas dans la société. J’ai la tête pleine de modèles et de promesses : bien socialisé, éduqué, entouré, avec des rêves, de l’ambition. Pourtant il ne se passe rien. Aucune pensée ne naît sans aussitôt se perdre. J’assiste au bal des ambitions et ne sais pas danser. Comme s’il manquait quelque chose, un organe intérieur. Alors je m’invente des rêves et des accomplissements. ».

L’autisme, il le présente de manière personnelle et sensible, c’est une « vibration ».

Des  « Confessions » lucides et qui peuvent faire bouger les lignes

Actif et maître de son univers, il revient sur la manière dont il a pris à bras le corps la direction d’une grande enquête nationale sur l’autisme. Cela a été un moment d’espoir et de prise de contrôle sur sa vie. Néanmoins, quand la montagne accouche d’une souris, la réalité l’a heurté d’autant plus… Une réalité qu’il partage avec nous, lecteurs et lectrices : complexe, de formes très diverses, l’autisme est encore un impensé de nos sociétés et ceux qui le portent sont laissés en dehors de cadres. Florian Forestier passe finalement par la littérature pour réussir là où l’enquête nationale avait échoué. Son un témoignage littéraire à la Rousseau est non seulement courageux, mais également utile. En pointant ce qu’on ne sait pas, les impressions de flou, de nuages, et aussi le sentiment d’être toujours un outsider, il nous alerte et nous implique dans le devenir de patients qui sont paradoxalement de mieux en mieux diagnostiqués, mais toujours très mal pris en charge, médicalement et surtout socialement. La lecture de Mes Labyrinthes est salutaire pour toutes et tous.