« L’Ordinaire de la littérature » de Florent Coste : La théorie littéraire, un démon ?

Il est toujours stimulant de se plonger dans la théorie littéraire et de prendre du recul, ne serait-ce que pendant quelques heures, par rapport au nombre important de romans ingurgités chaque mois. Trouver des ouvrages de théorie littéraire de nos jours est une tâche rare. Il semble que l’ère dorée de la théorie, portée par des figures telles que Mikhaïl Bakhtine, Gérard Genette et Roland Barthes, soit derrière nous, et que « le temps des paradigmes forts soit révolu ». La publication de « L’Ordinaire de la littérature. Que peut (encore) la théorie littéraire ? » vient contredire cette idée.

Florent Coste, médiéviste et théoricien de la littérature, revient longuement sur l’ouvrage majeur d’Antoine Compagnon, « Le Démon de la théorie », paru en 1998. Cet ouvrage, essentiel pour tout étudiant en classes préparatoires littéraires, proposait un équilibre entre la théorie pure et dure et le sens commun des lecteurs, ces derniers ne se reconnaissant pas forcément dans les nombreuses théories de la littérature. Florent Coste, quant à lui, a un autre objectif : celui de politiser la théorie littéraire, qui s’inscrit toujours dans un champ de valeurs et de domination (prix littéraires, concurrence entre les maisons d’édition, etc.).

Florent Coste s’oppose « à un champ théorique balkanisé où pullulent les labels et les chapelles ». Pour rendre compte de la politisation de la théorie littéraire, il est nécessaire de prendre de la hauteur. À cette fin, l’auteur explore un large éventail d’auteurs et de théoriciens, tout en incorporant des données économiques et une approche juridique. On découvrira ainsi des passages intéressants sur la transitivité du verbe « écrire », sur le fétichisme de la marchandise (notion marxiste adaptée à la production de livres), sur le rôle de l’argent, sur les « littératures hors du livre », etc. Cet essai est parfois complexe, mais toujours stimulant.