Enquête fouillée et passionnante, cet essai revient sur quelques grandes figures d’importants romans du XIXème siècle.
Imaginez un incroyable festin, un fastueux banquet qui réunirait des convives triés sur le volet : les plus grands personnages de la littérature française. C’est par cet avant-propos audacieux que commence L’Incroyable destin des héros de roman, une enquête menée par Christophe Hardy qui a choisi de se pencher sur cinq êtres de papier qui comptent dans notre histoire littéraire : d’Artagnan (Les Trois mousquetaires, Alexandre Dumas), Cosette (Les Misérables, Victor Hugo), Julien Sorel (Le Rouge et le noir, Stendhal), Emma Bovary (Madame Bovary, Gustave Flaubert) et Nemo (Vingt mille lieues sous les mers, Jules Verne). L’objectif de l’ouvrage ? « Tout a été dit par ceux qui autrefois ont lu leurs histoires. Pour nous, lecteurs d’aujourd’hui, il y a sûrement des choses inédites à découvrir, des données qui, à travers ces personnages choisis comme nos favoris, nous éclairent un peu sur nous-mêmes, et jettent aussi sur eux une lumière nouvelle. »
S’ouvre alors un passionnant voyage dans la fabrique des chefs-d’œuvre du XIXème siècle, romans étudiés en classe ou dévorés et adulés ou même jamais lus mais présents dans l’imaginaire collectif. Car, de nous, qui a lu Les Misérables en entier ? Qui a lu les suites des Trois mousquetaires, à savoir Vingt ans après et Le Vicomte de Bragelonne ? C’est là la force de ces personnages de papier : ils existent à travers nous, sans que nous les connaissions réellement. Christophe Hardy revient par exemple longuement sur l’image signée Emile Antoine Bayard représentant Cosette : chacun connait ce visage, et d’autant plus les Parisiens et les Parisiennes en ce moment qui passent continuellement devant les affiches de la comédie musicale Les Misérables bientôt sur la scène du Théâtre du Châtelet.
L’auteur s’est plongé dans les romans, les sources annexes (témoignages de Maxime du Camp sur Flaubert), les correspondances (celle entre Jules Verne et son éditeur Hetzel…), les premiers écrits (ceux de Stendhal) pour décrire le processus de construction de ces personnages. Notamment sur la construction du capitaine Nemo, fruit de longs échanges entre Jules Verne et son éditeur, ce dernier souhaitant le rendre plus lumineux, moins taciturne et secret.
En vrac, on apprendra donc l’origine historique de d’Artagnan, pourquoi on parle de « mousquetaires » alors que les mousquets (armes à feu) sont finalement absents du roman de Dumas, d’où vient l’expression « de cap et d’épée », des différences qui existent entre Julien Sorel, Rastignac (Le Père Goriot, Balzac) et Georges Duroy (Bel-Ami, Maupassant) ou encore comment il faut comprendre la célèbre citation de Flaubert (dont on doute de l’authenticité) « Madame Bovary, c’est moi ! ».
On sort donc grandi d’une telle lecture : d’une part, parce que la quantité de « fun facts » (comme on dit) nous assouvit, et d’autre part car L’Incroyable destin des héros de roman donne envie de se (re)plonger dans ces romans célèbres. La littérature française n’étant pas avare en personnages rocambolesques, on est en droit d’attendre un second volet.
L’Incroyable festin des héros de roman. D’Artagnan, Cosette, Julien Sorel, Emma Bovary, Capitaine Nemo, Christophe HARDY, Novice Editeur, 236 pages, 19,90 euros
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