10/18 et Society se sont associés pour créer une nouvelle collection, « True Crime », qui raconte les Etats-Unis à travers leurs grandes affaires criminelles, avec un livre par Etat. Ce troisième volume, se déroulant en Ohio, s’intéresse à un mystérieux suicidé.
En 2002, en pleine chaleur, les policiers d’Eastlake (Ohio), découvrent un cadavre dans un piteux état. Dans sa salle de bain d’un meublé tristoune, le retraité Joseph Chandler s’est tiré une balle dans la tête, en fixant le miroir. Une triste histoire, certes, mais rien d’extraordinaire jusque-là, tant le bonhomme semblait solitaire et mutique. Mais au fur et à mesure de l’enquête, les révélations se succèdent : Joseph Chandler n’avait pas d’amis, l’homme utilisait régulièrement un appareil auditif émettant des bruits blancs le protégeant du monde extérieur, vivait dans un dénuement parfait alors qu’il avait de l’argent. Et puis, surtout, Joseph Chandler effaçait toutes ses empreintes digitales… Alors qu’on lui cherche un héritier, on découvre finalement que le suicidé vivait sous une fausse identité.
L’Inconnu de Cleveland contient une part assez importante de mystère pour nous tenir en haleine jusqu’au bout, même si de grosses zones d’ombre subsistent, qui peuvent rebuter certains lecteurs. On peut également regretter une multiplication des protagonistes qui fait un peu parfois perdre le fil de l’enquête. Pour autant, Thibault Raisse, journaliste, nous fait un intéressant portrait de l’Amérique de Cleveland, une ville où il fait bon vivre, et qui a su se réorienter à la suite de la désindustrialisation. Ce qui intéresse également, ce sont les progrès scientifiques réalisés en une dizaine d’années, notamment les recherches couplant généalogie et ADN, et, surtout, le lien, certes ténu, avec l’un des tueurs en série les plus célèbres.
« Il est aussi plus facile de se faire oublier dans une citée restée dans l’angle mort de l’histoire. […] Unique parmi des milliers, Eastlake est un échantillon parfait de cette Amérique de la classe populaire blanche promue classe moyenne par la croissance économique, mais qui ne renie pas son ADN prolétaire. Celle qui laisse tourner le moteur de son pick-up garé en double file le temps d’acheter un paquet de chewing-gum et de Marlboro. »
L’Inconnu de Cleveland, Thibault RAISSE, 10/18, 208 pages, 7,50 €