Troisième roman de Robbie Arnott et finaliste du Miles Franklin Award, le « Goncourt australien », Limberlost déploie la prose poétique du jeune auteur australien au cœur de la Tasmanie.
La découverte de L’Oiseau de pluie avait été un grand moment de lecture de 2022. On y suivait Ren, vivant recluse dans les montagnes, et protectrice d’un oiseau sacré, l’oiseau de pluie, recherché par l’armée d’un régime militaire. Dans son deuxième livre, Robbie Arnott mélangeait considérations écologiques, science-fiction et sens du romanesque. Ce conte philosophique évitait toute mièvrerie et leçon de morale simpliste. De quoi nous faire attendre le troisième roman de l’auteur australien né en 1989, Limberlost, paru en octobre 2024 aux éditions Gaïa.
Plus ancré dans un contexte spatio-temporel clair (la Tasmanie des années 1940), Limberlost suit les questionnements, les doutes et la vie quotidienne du jeune Ned. Le roman s’ouvre d’ailleurs par le sentiment de peur, alors que Ned, cinq ans, se retrouve à bord d’un bateau pour aller voir une baleine que l’on raconte monstrueuse. Une dizaine d’années plus tard, Ned passe ses journées à tuer des lapins pour en revendre les fourrures à l’armée qui en fait des chapeaux pour ses soldats, en pleine Seconde Guerre mondiale. L’objectif ? Acheter un bateau, et naviguer sur le fleuve. Obnubilé par cette mission, au point de la taire à son meilleur ami Jackbird, Ned ne voit pas les difficultés qui l’entourent. Alors que ses deux frères sont partis faire la guerre, que son père erre dans le verger et que sa sœur revient aider, Ned va devoir faire des choix.
La chronologie éclatée de Limberlost (on croisera Ned adulte, père, envoyé au Royaume-Uni) revient constamment à l’adolescence du personnage principal. Dans cette nature idyllique, parfaitement dépeinte par l’auteur, Ned semble s’épanouir au contact des arbres, du dasyure qu’il a capturé et des pommiers de l’exploitation familiale. Mais Ned est un personnage taiseux, qui ne parle pas beaucoup, même une fois devenu père. « Il n’était pas spécialement devenu un bon conteur d’histoires en grandissant, et quand l’occasion d’aborder le sujet se présentait, il préférait ne pas se lancer. » Ned semble avoir fait un pas de côté par rapport au milieu dans lequel il évolue, se trouvant constamment en décalage. « Il sentait à quel point ce qui le reliait à cette terre était fragile. A quel point son emprise sur le monde était faible. » En résulte un roman assez déconcertant, qui ne parvient pas à percer les questionnements du personnage principal, d’autant plus que si Limberlost suit Ned au plus proche, c’est par la voie de la troisième personne du singulier, et non du « je ». On est en droit de trouver Limberlost beau, particulièrement dans ses descriptions de la nature australienne. On est aussi en droit de s’ennuyer poliment.
Limberlost, Robbie ARNOTT, traduit de l’anglais (Australie) par Laure Manceau, Editions Gaïa, 224 pages, 22 €
Illustration : © Couverture du livre