« L’Heure bleue » de Peter Stamm : Comment rendre compte d’une vie ?

Depuis une dizaine de romans, Peter Stamm s’est construit une solide réputation : ses livres explorent souvent le quotidien de gens s’interrogeant sur le sens de leur vie. En 2018, La Douce indifférence du monde mettait en avant un homme confronté à son double, interrogeant par là les regrets et les choix d’une vie. Plus récemment, Les Archives des sentiments faisait rencontrer un homme avec la femme qu’il avait longtemps aimé, en pleine période de pandémie. Peter Stamm a le chic pour décrire des situations banales dans une langue simple pour poser des questions métaphysiques sans aucune lourdeur.

Dans L’Heure bleue, Andrea et son petit ami tournent un documentaire consacré au grand écrivain Richard Wechsler, bien que celui-ci ne soit pas vraiment emballé par le projet. La vie de cet homme, partagée entre la Suisse où il a grandi, et Paris, pour les années de formation intellectuelle, conduisent nos deux documentaristes à vouloir interroger le plus de connaissances de Wechsler. Mais une fois arrivés dans son village natal, Wechsler les plante, sans même donner de raisons. Fascinée par cet homme dont elle connaît finalement peu l’œuvre, Andrea retrouve un amour de jeunesse de l’auteur et se met à interroger Judith, pasteure, sur sa relation avec lui.

L’Heure bleue interroge la connaissance que nous avons des gens, et particulièrement des grands auteurs. Un documentaire peut-il vraiment révéler le génie d’un écrivain ? Comme s’interroge Wechsler : « Pourquoi quelqu’un qui me connaît à peine devrait-il découvrir sur moi des choses que je ne connaîtrais pas depuis longtemps ? » ou encore « Vous croyez que c’est ma vie qui fait de moi ce que je suis ? » Quelle part de vérité se cache dans les romans d’un auteur ? La biographie d’un écrivain peut-elle éclairer son œuvre ? Et bien sûr : ce Wechsler est-il un double de Peter Stamm ?

Pour autant, le livre semble chercher son sujet, et nous désarçonne. L’Heure bleue avance doucement sans nous ennuyer, et ouvre plus de pistes qu’il ne résout de questions. On reste parfois surpris par la simplicité du livre, qui ne semble rien cacher de plus profond (à moins que nous soyons passés à côté, cela arrive !). Et si L’Heure bleue se révèle être une lecture plaisante, force est de constater que des livres comme Sept ans ou Les Archives des sentiments susciteront plus d’intérêt.

« Ce qui compte, c’est la présence, m’a-t-il dit une fois, être complètement là dans le moment, à cet endroit. On ne peut pas vraiment l’expliquer, mais quand ça arrive, on le sait, on est alors sûr de son fait comme jamais auparavant. Pourtant ce n’est rien d’extraordinaire, ça peut arriver n’importe quand. Tout le monde connaît ça : quand tout est facile. On peut alors étonner tout Paris avec une pomme, pas besoin de plus. Pas même de plus de mots. »