Assassiné en janvier 2015 lors des attentats contre Charlie Hebdo, Bernard Maris publiait en 1999 sa Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles.
« Bernard Maris était un mélancolique, mais un mélancolique charmant, doux, qui ne voulait surtout pas alourdir la peine des autres avec la sienne. S’il est bien une chose qui me manque de lui, c’est son sourire charmeur, qui désarmait toute critique. » Ainsi s’exprime Gilles Raveaud, ancien collègue de Bernard Maris, dans la présentation qu’il a rédigé à l’occasion de la réédition de cette Lettre ouverte. Raveaud en profite pour faire une courte présentation des dix-huit chapitres de l’ouvrage, conseillant même d’en sauter certains, ou d’en inverser l’ordre, afin d’en améliorer la compréhension.
Dans ce pamphlet paru à la fin des années 1990, Bernard Maris tapait sur toute la doxa de la pensée économique. L’auteur plaidait notamment pour un réel apprentissage de l’histoire de la pensée économique en relisant les grands classiques de Marx, Adam Smith, Leon Walras, Keynes… Maris mettait surtout en avant la modestie de ces auteurs qui arrivent souvent toujours à la même conclusion : « On ne peut pas dire n’importe quoi en biologie, en physique, en mycologie, sur l’élevage du ver à soie ou la peinture du quattrocento. On peut tout dire en économie. » Bernard Maris revenait ainsi sur le soi-disant équilibre des marchés, sur les hypothèses qui sous-tendent les réflexions des économistes, sur la rationalité, sur la figure détestable de l’« expert »…
Publiant dans Charlie Hebdo sous le pseudonyme de «Oncle Bernard» Bernard Maris était directeur adjoint de la rédaction du journal satyrique. Maris possédait un ton bien à lui, une plume acerbe, très critique et néanmoins pleine d’humour. Dans sa Lettre ouverte, Bernard Maris critiquait alors les figures imposantes de l’économie de la fin du XXᵉ siècle : le FMI, Alain Minc, Jacques Attali, Michel Camdessus (ancien gouverneur de la Banque de France)… Parfois confusant et daté, le livre reste d’actualité dans la critique qu’il propose de la science économique. On ne peut que regretter la perte de cet économiste hétérodoxe.
Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles, Bernard MARIS, Présentation inédite de Gilles Raveaud, Points, 176 pages, 8,95 €
Visuel : © Couverture du livre