Après Le Coup d’État d’urgence, publié en 2021, Arié Alimi nous livre une analyse stimulante – et inquiétante – des violences policières. Un état des lieux peu optimiste, mais nécessaire.
Le Coup d’État d’urgence s’intéressait à l’usage répressif de l’État d’urgence, mis en place en France après les attentats de 2015 et renouvelé en 2020 en raison de la situation sanitaire. Il mettait ainsi au jour la présence d’un continuum entre ces deux moments, qui facilitaient entre autres la répression policière des contestations sociales et politiques.
Si L’État hors-la-loi a à première vue un objet différent du Coup d’État d’urgence, sa méthode s’en rapproche : dans les deux ouvrages, il s’agit de montrer le caractère structurel de leur sujet. Les violences policières ne sont alors plus perçues comme des exceptions malheureuses à l’État de droit, mais au contraire comme l’expression de la mise à mort de celui-ci.
Après avoir rappelé les complaisances des derniers gouvernements à l’égard des revendications policières – qui avaient pour but de réclamer, de fait, une citoyenneté particulière, hors normes, des fonctionnaires de police -, Arié Alimi met à bas quelques légendes, dont celles du « monopole de la violence légitime » : il rappelle qu’il s’agit là d’une analyse sociologique de la violence policière, et non d’un principe de droit. Il devient dès lors pour le moins fallacieux de s’en réclamer pour exempter les fonctionnaires de police de toute condamnation.
L’avocat propose ensuite une typologie des violences policières : les violences policières ethno-raciales, les violences policières politiques et les violences policières de la circulation. Comme à son habitude, l’auteur s’appuie sur des exemples concrets, issus de son expérience d’avocat et de militant à la Ligue des droits de l’Homme.
Plus que cette typologie et l’exposé de ces violences, c’est toutefois l’analyse qui fait l’intérêt principal de l’ouvrage. Réfutant l’idée que la violence policière serait seulement liée aux services de police, Arié Alimi montre la complaisance de la Justice à l’égard des policiers : les violences policières, même quand les preuves paraissent inattaquables, sont rarement condamnées, ou alors dans des proportions ridicules. Ses récits font alors état du parcours du combattant auquel doit se résoudre toute victime qui souhaite que justice lui soit rendue. L’avocat en appelle à une sensibilisation de la magistrature assise, afin que les policiers et policières puissent être jugé.es à l’égal de leurs concitoyens et concitoyennes, et non perçu.es comme des super-citoyen.nes dont les fonctions de « maintien de l’ordre » justifieraient un traitement à part.
Arié Alimi, L’État hors la loi. Logiques des violences policières, Paris, La Découverte, 2023, coll. « Les Petits Cahiers libres », 232 pages.
En librairie le 14 septembre 2023. 19 € (version numérique : 13.99 €).
Visuel : couverture du livre / Éditions La Découverte