Un roman au charme étrange, battant au rythme de trois cœurs : celui de l’enfant, celui du deuil, celui du monde qui s’effondre.
Tout commence sur un volcan. Evan, propulsé presque malgré lui propriétaire d’un hôtel luxueux aux Açores, croit pouvoir maîtriser la nature et ses colères, son deuil et ses fantômes. À ses côtés, Anël, fillette de neuf ans à la mémoire prodigieuse, veille, observe, scrute les animaux mieux qu’elle ne comprend les adultes. Et puis survient Vicki, sœur longtemps absente, rappelée à la hâte comme pour colmater une brèche. Rien ne se passera comme prévu. Dans ce décor de tempêtes et de brumes, Raluca Antonescu met en scène la démesure des rêves humains face à la fragilité des liens. Inspiré par l’histoire du Monte Palace, ruine somptueuse sur l’île de São Miguel, ce roman interroge la folie des grandeurs et l’idéologie du « tu veux, tu peux », qui mène droit à l’abîme.
Coup de cœur absolu. Parce qu’ici, l’intime et le collectif s’entrelacent sans effort. Parce que la croissance d’un enfant se confronte à la maladie d’un monde. Parce qu’on y lit à la fois la relation père-fille, la question du deuil, le choix ou non de la maternité, et en creux cette inquiétude universelle : comment s’épanouir dans un système qui s’écroule ? Antonescu écrit comme on respire sous l’eau : sa langue n’est jamais visqueuse, elle ondule, glisse, surprend. Trois cœurs, trois femmes, trois fêlures : voilà la partition qu’elle compose. Et nous, lecteurs, restons suspendus dans cette brume, sous cette pluie, happés par un roman qui bat comme une créature marine, mystérieuse et fragile. Hypnotisant, délicat, nécessaire.
Raluca Antonescu, Les trois cœurs du poulpe, sortie le 22 août 2025, La Baconnière, 256 p., 20,50 euros.
Visuel : © Couverture du livre