Dernière enquête de la série consacrée au détective à la retraite Konrad, Les Parias continue de prouver le talent du maître du polar islandais.
Une vieille dame se présente à un commissariat. Son mari décédé il y a peu, elle a trouvé dans ses affaires un vieux pistolet, un Luger, qu’elle s’empresse de remettre à la police. Mais les études balistiques montrent que l’arme a servi à abattre un jeune homme, il y a de cela de nombreuses années. Détective à la retraite que l’on a croisé dans quatre autres romans d’Arnaldur Indridason, Konrad se met à mener l’enquête : son père, assassiné sans qu’on n’ait jamais retrouvé le coupable, possédait lui aussi un Luger. Se replongeant dans un passé sordide, Konrad multiplie les interrogatoires afin de faire toute la lumière sur plusieurs crimes.
Le personnage de Konrad n’est pas sans rappeler Erlendur Sveinsson, l’enquêteur phare de quatorze enquêtes écrites par le plus grand auteur de polar islandais. Même goût pour la vérité, même part d’ombre, même rapport compliqué à la famille (le frère d’Erlendur a disparu dans une tempête de neige). Pour autant, le personnage de Konrad est peut-être plus ambigu, Arnaldur Indridason choisissant de faire de son détective un être oscillant entre le bien et les questionnements moraux hérités des magouilles de son père. Cherchant à tout prix à se distinguer d’un homme qu’il a toute sa vie détesté (« Tu ne veux pas mieux que lui, Konrad. » lui balance sa sœur), c’est comme si le détective à la retraite cherchait à expier les actes de son géniteur en faisant éclater la vérité.
Ce qui constitue également la réussite de Les Parias tient dans sa galerie de personnages (et il y en a beaucoup !) : la sœur de Konrad, la policière Marta, le prisonnier Gustaf.. Très ancré géographiquement et météorologiquement (on sait toujours dans quel quartier Reykjavik on se trouve, et s’il fait beau), le roman se révèle extrêmement sombre au fur et à mesure que les pages se tournent. Le polar dit beaucoup de l’histoire de l’Islande et du sort que l’île réservait à ceux qui étaient considérés comme des parias. Si certains pourront trouver le roman complexe, à Cult.news, on trouve justement que c’est là tout le sel des romans d’Indridason.
« Il repensa à la reconstitution sur la presqu’île d’Örfirisey, il se rappelait le froid intense. Le vent soufflait du nord depuis un moment, chargé d’averses de neige qui balayaient la ville par intermittence. Il avait attendu dans la voiture avec ses collègues la fin de l’averse et l’arrivée du suspect placé en détention provisoire. Lorsque le temps s’était levé, ils avaient enfin aperçu la voiture de police qui se dirigeait. Deux agents étaient descendus par les portes arrière en escortant l’assassin présumé. L’homme s’appelait Natan et on n’avait pas jugé nécessaire de le menotter. La police avait hâte de boucler l’enquête et le prisonnier se montrait très coopératif. »
Les Parias, Arnaldur INDRIDASON, traduit de l’islandais par Eric Boury, Métailié, 320 pages, 22,50 €