Les livres à dévorer des yeux d’Yves Camdeborde & Laurent Seminel

Dans le monumental Menus-Plaisirs – Les Troisgros de Frederick Wiseman (2023), le chef étoilé Michel Troisgros conseille à un jeune cuisinier de se rapporter à deux ouvrages de référence lorsqu’il se pose des questions sur un ingrédient ou une préparation. L’un est Le Guide culinaire d’Auguste Escoffier, publié pour la première fois en 1903, « considéré comme le livre de référence de très nombreux cuisiniers professionnels ». Le deuxième est un livre régulièrement enrichi et mis à jour au fur et à mesure de l’évolution de la gastronomie, le Larousse gastronomique, publié en 1938 et mis au goût du jour pour la dernière fois en 1996 par Joël Robuchon, « reste intemporel par un style impeccable et une fluidité rare ». Ces deux livres, de référence donc, figurent parmi les indispensables répertoriés par Yves Camdeborde et Laurent Seminel dans Le Grand livre des livres de cuisine.

Quelle bonne idée que ce livre dont l’objectif est de lister et de présenter 50 livres de gastronomie à lire une fois dans sa vie. Yves Camdeborde, chroniqueur sur Europe 1, juré de MasterChef de 2010 à 2013 et représentant de la bistronomie parisienne, déclare tout son amour pour les livres de cuisine dès l’introduction : « les livres nous donnent de l’assurance en nous aidant à comprendre que l’essence de notre métier, c’est le goût, et que celui-ci n’existe pas sans héritage et sans transmission ». Son compère d’écriture, Laurent Seminel, éditeur et fin gourmet, met en avant la rareté de certains livres sélectionnés, tandis que d’autres sont mondialement connus. Pour autant, tous les livres représentés ici « sont les reflets de ce que l’on mange, mais surtout de la manière dont chacun d’entre nous envisage la façon dont il se nourrit ».

De 1651 (Le Cuisinier françois de Pierre François de La Varenne) à 2014 (Alexandre Gauthier, cuisinier : La Grenouillère), ce beau livre retrace une histoire intéressante et vivante de la gastronomie, par deux collectionneurs, Camdeborde avouant qu’il a toujours eu un faible pour l’accumulation des livres. On croise donc des classiques (le Grand dictionnaire de cuisine d’Alexandre Dumas, Les Recettes faciles de François Bernard) mais aussi des raretés (qui connaît Célébration de la nouille de Raymond Oliver paru en 1965 ?). On trouve ainsi l’histoire des ouvrages, la réception de ceux-ci, leurs influences, des recettes et de très belles reproductions graphiques. Seul bémol : on pourra regretter la faible présence d’ouvrages contemporains ou même de cuisinières. Un livre à mettre entre toutes les mains des gourmands et des gourmandes !