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Les institutions invisibles, piliers de notre démocratie

par Jean-Marie Chamouard
06.11.2024

Dans son Essai « Les institutions invisibles » Pierre Rosanvallon analyse les trois qualités indispensables à notre démocratie : la confiance, l’autorité, la légitimité. Il propose aussi des pistes pour sortir de la crise actuelle du vivre ensemble.

Des institutions informelles mais indispensables

Confiance, autorité, légitimité, telles sont pour Pierre Rosanvallon les institutions invisibles. Elles sont différentes du pouvoir, elles n’ont pas de statut légal ni de bras armé administratif, mais elles sont essentielles au fonctionnement d’une société démocratique.
La confiance débute dans la proximité mais sa présence dans la société permet de faciliter les échanges, de réduire les incertitudes, de construire le futur. Elle participerait à la réussite économique d’un pays et déterminerait son niveau de bien être. L’autorité n’est pas simplement la capacité à se faire obéir ou le charisme. Comme au temps de la république romaine, l’autorité dépend de valeurs fondatrices, mais aussi de qualités morales et intellectuelles. Elle permet de tracer une direction, de donner une orientation. La légitimité découle aussi de qualités morales, elle permet le consensus, voire de tendre vers l’unanimité.
Il est possible de renforcer les institutions invisibles. Les normes, la monnaie sont des instruments de la confiance. Il faut maintenir un langage commun, peut être avec l’aide de la philosophie, et développer des convictions partagées. Car Pierre Rosanvallon en est convaincu, les institutions invisibles sont indispensables pour que nous puissions «faire commun».

Plaidoyer pour un approfondissement démocratique

Pierre Rosanvallon est historien, sociologue, spécialiste de la démocratie. Dans son dernier livre «Les institutions invisibles», il nous parle de la démocratie, toujours en devenir. L’essai est dense, d’une grande richesse mais accessible. C’est un ouvrage savant avec une bibliographie impressionnante. Le thème qu’il aborde, les institutions invisibles, est original, instructif. Les références historiques sont nombreuses avec la religion civique romaine, les universités au Moyen Age, l’indépendance Américaine, la république de Weimar. Il s’appuie sur les philosophes comme Rousseau ou Hannah Arendt avec son Oraison funèbre de l’autorité. Il nous fait découvrir Thomas Reid, le fondateur de l’école écossaise de la «Philosophie du sens commun» qui inspirera à travers Thomas Paine la révolution américaine.
Pierre Rosanvallon déplore la déconstruction contemporaine du commun. Il l’explique par le conflit entre la raison et le sens commun, la technocratie, le complotisme, les Fakes News «cette apocalypse cognitive». Il ne dispose pas de «la solution» mais propose des pistes, suivant, toutes, le chemin d’un approfondissement démocratique. Il faut valoriser les cours constitutionnelles et les autorités non partisanes comme la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ou le GIEC. Il faut s’inspirer de la communauté scientifique, de sa démarche coopérative, pour établir les vérités partagées. Il nous propose à la fin de l’essai un beau projet, celui de faire des citoyens des chercheurs en intérêt général. Notre société pourrait ainsi devenir une société d’investigation et d’approfondissement démocratique.

Pierre Rosanvallon, Les institutions invisibles, Seuil, 336 pages, 23,5 Euros, sortie le 4 10 2024.

Visuel(c): Couverture du livre, éditions Seuil