Un essai ciselé, dérangeant, qui ose s’attaquer à ce que notre époque préfère passer sous silence : la différence des sexes et ses implications.
Depuis toujours, Nancy Huston interroge les relations entre femmes et hommes. Avec Les Indicibles, elle pousse le curseur plus loin : revenir à la base biologique, au fait que la reproduction n’a jamais été neutre, que la sexualité humaine, comme celle de tous les animaux, s’inscrit d’abord dans cette logique. Partant de là, elle aborde les sujets les plus brûlants – guerre, viol, prostitution, domination, politique – en les reliant à cette donnée première. Ce geste, à contre-courant d’une pensée dominante qui préfère gommer les différences, nourrit un essai incisif, parfois brutal, mais toujours nourri de références littéraires, scientifiques et autobiographiques. De son enfance de « garçon manqué » à son expérience de mère récalcitrante, Huston ne sépare jamais la théorie du vécu.
À la lecture, l’impression est double : parfois, on voudrait être en désaccord, parfois, on aimerait applaudir. Mais on ne peut que reconnaître à Huston une maîtrise rare de la langue et de l’argumentation. Elle écrit avec précision, avec aplomb, et fait résonner son érudition sans jamais la rendre pesante. L’essai déstabilise, provoque, dérange. Mais il convainc ou, du moins, oblige à penser autrement. Comme si ce qu’elle dit ne pouvait pas être dit par tout le monde, mais que dans sa bouche, dans sa plume, cela devient audible. Et c’est sans doute là sa force : rappeler qu’écrire, c’est de temps en temps s’autoriser à briser les consensus, même au risque d’irriter. Les Indicibles n’est pas un livre confortable, mais il est indic-pensable.
Nancy Huston, Les Indicibles, sortie le 3 septembre 2025, Actes Sud, 224 p., 18 euros.
Visuel : © Couverture du livre