Les chocs répétés de cette conscience contre le réel
Les forces mime le rythme d’un flux de conscience, d’une intériorité étalée et glissante ; mais le « je », omniprésent, ne répond à rien, comme disloqué. Seuls comptent les chocs répétés de cette conscience contre le réel, d’où jaillissent des impressions, des bifurcations : « Aucun objet n’a de lien démontrable avec un autre objet, de fait toute conversation n’est qu’un coq-à-l’âne continu ». Les citations multiples de philosophes et artistes n’y changeront rien : la tambouille des choses reste indigeste.
Face à nos lâchetés contemporaines
La narratrice entame une quête initiatique, pour soigner sa « tare », mélancolie poisseuse et déréalisante. Passera dans les mains de Claudie, chamane queer et omnipotente. Toquera aux portes de sectes où les âmes apaisent leurs névroses. Se verra aussi prise à témoin, par un travailleur social épuisé, par les années de soin perdues dans la violence du capital et de nos lâchetés contemporaines.
Une bile plus noire
Les forces flirte avec le pamphlet sociologique, brûle d’une rage anarchiste, et traque l’ombre de son autrice, dont les reflets apparaissent, dans des recoins d’autofiction. Mais elle n’est jamais ici ; et la peur ne se résume jamais à la seule violence de la société. Une bile plus noire, plus sourde, s’écoule au fil du roman, sanctifiée par des mots pesés, scandée par un art du rythme, découpages délicats, de quasi-haïkus aux effusions obsessionnelles. De l’orfèvrerie poétique au service d’un roman atypique.