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« Les Dépossédés » de Christophe Guilluy : les gens qui ne sont presque rien

par Julien Coquet
le 30.08.2023

L’essayiste et géographe, auteur notamment de La France périphérique, revient sur les classes populaires et la violence qu’elles subissent des classes plus aisées. Moyennement convaincant.

Les dépossédés, ce sont ceux qui n’ont plus. Dès les premières pages de son livre, Christophe Guilluy fait un constat implacable : la métropolisation et la gentrification ont vidé certains espaces géographiques de leurs « gens ordinaires » (entendez par là les Français et Françaises qui ne font pas partie des 25 % les plus riches). À Paris, Bordeaux, Lyon, où les prix de l’immobilier atteignent des sommets, il est devenu impossible pour les classes moyennes de se loger. De même, sur les côtes littorales, maintenant prisées à l’ère du télétravail et de la maison secondaire, se loger est devenu un véritable casse-tête. Guilluy critique fortement cette métropolisation qui s’est imposée sans aucune réflexion, portée même par le Parti socialiste (« la métropolisation n’est qu’un business, un énorme business régi par la seule loi du marché ; le pire du capitalisme, muni de la meilleure agence de communication, la gauche. »). Guilly déplore le manque de diversité qui existait au sein des villes, et la relégation des classes moyennes et populaires au-delà des périphériques.

 

Malgré cette introduction très intéressante, l’essai va vite délaisser ces fameux dépossédés pour se concentrer (et même taper) sur les classes bourgeoises qui ne sont pas, pour Guilluy, les 1 % les plus riches, mais les 25 % les plus aisés de la population française. Loin l’une de l’autre, les deux classes antagonistes, classe populaire et classe bourgeoise, ne luttent plus : « aujourd’hui, c’est la mise à distance de « l’autre » qui assure l’ordre social. Dans cette société qui n’en est pas une, les classes populaires ne sont pas des ennemies mais des oubliées. » L’ouvrage se positionne contre la nouvelle gauche bobo, bien trop ouverte et tolérante, inconsciente des vrais problèmes des Français (on a le droit à quelques mots contre le wokisme). L’essayiste a d’ailleurs des réflexions intéressantes sur la diabolisation de chaque sujet, qui permet d’éviter de véritables débats (« évoquer les difficultés du monde rural, c’est être pétainiste ; parler de la protection des emplois, notamment industriels, nationaliste ; décrire la fragilisation sociale ou la pauvreté dans la France périphérique, populiste »). Mais on est un peu moins convaincu par ce réquisitoire contre une classe bourgeoise trop large. Un livre parsemé d’idées intéressantes mais qui se révèle fouillis, et propose finalement très peu de situations concrètes pour sortir de cette impasse.

 

« La question sociale pour les gens ordinaires, c’est remplir son caddie, mais c’est aussi et surtout se réaliser dans son travail, et être respecté dans sa vie sociale.
Cet enjeu dépasse complètement les pouvoirs occidentaux qui pensent, comme avant eux les régimes totalitaires (en URSS, par exemple, les gens étaient nourris, logés, soignés), qu’il suffit s’assurer le « matériel » pour faire une société (en)viable. Désormais, toutes les crises se gèrent à coups de milliards. La « grande » politique se résume à une seule chose : faire tourner la planche à billets, distribuer l’argent et accroître l’endettement. »

 

Les Dépossédés, Christophe GUILLY, Flammarion, Collection Champs, 204 pages, 8 €

Visuel : Couverture du livre