“Les Alchimies” : L’alambic littéraire de Sarah Chiche

Il y a des écrivains qui nourrissent leurs romans de leurs propres obsessions. Il y en a d’autres qui écrivent sur ce qu’ils connaissent le mieux. Et il y a ceux et celles qui font tout cela à la fois. Sarah Chiche en fait partie et son dernier livre ne déroge pas à la règle. Avec Les Alchimies, l’autrice de Saturne et Les Enténébrés, poursuit son exploration de la nature humaine. L’ écrin à cet examen est le monde de l’art qui l’obsède et le milieu médical qu’elle connaît comme sa poche de par son activité de psychanalyste.

Caroline Cambon est médecin légiste dans un hôpital de banlieue parisienne. En 2022, en pleine crise de l’hôpital, elle reçoit un email intrigant. Il y est question de Goya et de son crâne disparu juste après son inhumation. Un spam que Camille aurait pu détruire avant même de l’ouvrir si ses parents et son parrain n’avaient pas voué un culte au peintre espagnol… Camille décide alors de se lancer sur les traces de son passé et de ce crâne en rejoignant, à Bordeaux, le mystérieux auteur du mail.

Fiction romanesque pleine de rebondissements, récit documenté sur le monde hospitalier, intrigue originale autour de la personnalité et de l’œuvre de Goya : Sarah Chiche parvient à tresser ces trois arcs narratifs. C’est là la plus grande réussite de l’alambic que sont Les Alchimies. Écrit comme un conte, livré comme au coin du feu d’une veillée hivernale, son roman nous prend par la main et nous embarque dans les méandres de cerveaux brillants mais ô combien torturés. La qualité du livre doit aussi beaucoup à son écriture, travaillée, ni trop lente, ni trop haletante. Un parti pris plus convaincant que celui de ne pas refermer toutes les portes entrouvertes au cours d’une intrigue qui explore, avec un génie venu d’un autre monde et pourtant si essentiel à notre monde, “tous les plis de nos âmes, depuis nos rêves solaires jusqu’à nos hantises ombreuses”.