« Le mal joli » d’Emma Becker : une femme en mal d’amour

Question gênante

Arrive un jour ce texto d’une amie qui vous confie qu’entre elle et son conjoint – votre ami aussi – c’est compliqué… Qu’elle est tombée amoureuse d’un autre. Qu’il est devenu son obsession… Ce texto attend de vous une réponse, vous le savez, mais ne trouvez pas les mots… jusqu’à la lecture d’un livre. Qui croit encore que les livres ne peuvent pas nous sauver ?

Pas la rédactrice de cette chronique en tout cas ! Elle doit à Emma Becker une fière chandelle. Son dernier roman lui a évité de se lancer dans une logorrhée tout en platitudes. À cette amie, et à plein d’autres sans doute, pas de texto miello-compatissant mais une recommandation de lecture. Le mal joli saura dire mieux que nulle amie les mots justes, ceux qui touchent, ceux qui vous disent « On se sait, on est ensemble », ensemble dans ce tourbillon qu’est la passion amoureuse. Car, dans Le mal joli, on retrouve Emma Becker mais cette fois-ci amoureuse d’un autre. Autre au sens qui n’est pas son mari. Autre au sens qu’il n’est pas son semblable. Antonin de Quincy d’Avricourt est, en effet, un aristo de Saint-Germain-des-Prés, ultra-mondain, fervent lecteur de Brasillach et de Rebatet. Un « collègue » qui évolue donc dans un milieu aux antipodes de celui d’Emma Becker, celle par qui le scandale est arrivé avec La maison, son premier roman autobiographique, logé dans les chambres feutrées d’une maison close berlinoise.

Pas joli joli

Mariée, deux enfants, vie de famille au bord du précipice, Emma Becker décrit avec minutie les étapes de ce qu’elle nomme un « empoisonnement du cerveau ». Dans cet envoûtement amoureux, l’autrice n’en devient pas pour autant décérébrée. Elle est à son meilleur quand jeux de mains et jeux de langue vont de pair, quand jouissance des corps et jouissance des mots vont de concert. Elle nous agace quand elle s’attarde un peu trop sur la bite abîmée de son partenaire pour sitôt nous séduire de nouveau avec ce style cru et pornographique qui n’appartient qu’à elle. Moralité de l’histoire : les livres à défaut de vous sauver la vie, peuvent au moins vous sauver les fesses !