L’écrivaine et poétesse Tove Ditlevsen est née en 1917 à Copenhague. Elle se donnera la mort en 1976. Méconnue de son vivant, elle est maintenant considérée comme une pionnière de la littérature autobiographique contemporaine. «Jeunesse» est le deuxième tome de «La trilogie de Copenhague». Sa traduction française paraît ce mois-ci et nous fait découvrir le récit très émouvant d’une adolescente qui vit pour la poésie.
A quinze ans, Tove ne rêve que de poésie. Née dans une famille pauvre de Copenhague, elle doit travailler pour aider ses parents, «simples mais honnêtes». Elle est employée dans une pension sordide, puis comme aide magasinière et enfin dans le bureau d’une imprimerie. C’est là que ces talents de poétesse en herbe se révèlent, elle écrit des chansons pour ses patrons! Elle fait la connaissance de Monsieur Krogh, un vieil homme qui s’intéresse à elle et lit ses premiers poèmes mais qui disparaît du jour au lendemain. Entraînée par son amie Nina, elle fréquente les dancings et le lecteur suit son éducation sentimentale. Elle se heurte à sa famille. Son père est fatigué, «il ne fait que dormir ou travailler». Sa mère est autoritaire, elle ne comprends pas sa fille. Quand elle prend connaissance de la revue «Blé sauvage» et de son directeur Viggo F Moller, son horizon s’éclaircit. Pourra t’elle publier ses poèmes?
«Jeunesse» décrit l’adolescence tourmentée de Tove. Le récit est simple, tendre parfois, souvent émouvant, toujours très lucide. L’écriture est limpide, cristalline.
Issue d’un milieu ouvrier mais avec des rêves d’artiste, sa condition sociale pèse douloureusement sur Tove. Elle parle de la terreur de ne pouvoir s’échapper de cet endroit où elle est née. Une mélancolie, une noirceur hantent cette jeune fille, confrontée très jeune à la mort et à la maladie. Son premier vrai poème s’intitule «A mon enfant mort». Il suscitera l’admiration. Le contexte historique des années trente est présent avec le chômage, les luttes sociales et l’ombre du nazisme qui inquiète ou fascine. Et ses 18 ans coïncident avec l’invasion de l’Autriche par l’Allemagne! Très lucide elle redoute que «les vagues de l’océan du monde n’emportent sa petite embarcation».
Tove mène un long combat pour la liberté. Sa famille et surtout sa mère sont vécues comme un carcan. Le lecteur suit avec émotion ses tâtonnements, son long chemin pour devenir écrivain. Il admirera le courage de celle qui aspire essentiellement à écrire des poèmes, à être lue, reconnue. Cet amour, cette foi dans la poésie sont admirables, réconfortants . Car ce beau récit, nous éclaire du miracle de la poésie.
Tove Ditlevsen, Jeunesse, La Trilogie de Copenhague-II, traduit du danois par Christine Berlioz et Laila Flink Thulessen, éditions Globe, 208 pages, 18 Euros, parution le 7 Mars 2024.