Dans ce second roman, la violoniste Léonor de Récondo déclare sa flamme à son instrument fétiche et, plus largement, à l’art.
Venise n’a pas toujours été la ville des amoureux et du romantisme de grande consommation. Puissance commerciale et maritime incontestée jusqu’au 15ème siècle, la cité des Doges a vu peu à peu sa domination contestée jusqu’à perdre sa position de monopole dans l’Adriatique. Mais sans jamais rien perdre de son faste. Palais, théâtres, carnaval : le 17ème siècle vénitien reste une période bénie pour l’art et la musique.
Mais si cette dernière ne saurait remplacer la monnaie sonnante et trébuchante des échanges économiques, offre-t-elle pour autant une compensation à l’amour ? C’est la question que se pose Ilaria, fille d’un couple de marchands d’étoffes, placée dès sa naissance à la Pietà. Dans cette institution publique, les enfants abandonnées apprennent le chant ou le violon. Elles se donnent en concert, interprétant des pièces composées exclusivement pour elles par le maestro Antonio Vivaldi, dont Ilaria devient la copiste. Enfermées, les jeunes filles n’en sont pas moins libres; ou, du moins, n’ont pas besoin d’un mari pour être libres. C’est en tout cas ce que croit Ilaria avant d’être foudroyée par l’amour à l’aube de son quinzième anniversaire.
Qui mieux que Léonor de Récondo, violoniste reconnue, pour décrire ce grand feu qui anime et consume son héroïne quand elle joue de son instrument ? Feu de joie, pour le lecteur, que de voir que c’est avec la même ferveur qu’elle écrit le sentiment amoureux et la vulnérabilité des liens. Compensation à l’amour, la musique ne l’est sans doute pas. Mais quand tout autour de vous s’effondre, que tous et toutes vous abandonnent, heureusement que demeure possible la confusion entre musique et désir charnel. Une possibilité que laisse entrouverte l’écriture délicate et poétique de Léonor de Récondo.
Léonor de Récondo, Le grand feu, sortie le 16 août 2023, Paris, Grasset, 224 p., 19,50 euros.
Visuel : couverture du livre.