Le conte poétique et surnaturel de Natalia Garcia Freire

Un village maudit

Mildred était lumière. À sa naissance, « elle a fait souffler un vent tiède qui n’a pas peur ». Mais à la mort de sa mère, son père n’est pas rentré à la maison, elle se retrouve seule à la ferme. À minuit les villageois viennent la chercher, lors d’une procession menée par le Père Santamaria. Elle est emmenée contre son gré au presbytère, on ne la reverra plus : « son nom est devenu un vent qui ne siffle pas et draine de l’air mauvais ».
Alors la malédiction s’est abattue sur Cocuan. Le village n’est sur aucune carte, il n’est plus constitué que « de poussières et de mal ». Nous faisons connaissance de personnages difformes, grotesques, pittoresques aussi. Ezequiel est habité par la violence et la haine de son père, son frère Victor est boiteux. Agustina est une vieille guérisseuse qui vit avec ses oiseaux, le prêtre Manzi s’est coupé les oreilles… Seul Filatelio, l’idiot du village, a pu conserver un peu de sagesse et de pureté.
Comme un voyage vers le royaume des morts, une longue procession se met en marche à travers la forêt obscure, jusqu’au « Rocher » une montagne inquiétante où se seraient cachés les disparus du village.

Un conte fantastique

« Tu as amené avec toi le vent » est un livre étrange, surprenant. Le texte peut paraître hermétique, d’abord difficile, mais le lecteur doit se laisser porter par la poésie du texte, par son atmosphère sombre et mystérieuse.
« Cocuan est l’agonie de la campagne ». Le mal vient des hommes alors que la nature est luxuriante, plutôt bienveillante. Les arbres, les fleurs, les oiseaux sont très présents dans le récit. La forêt représente la quiétude de Dieu. La magie imprègne le roman: Agustina comprend le langage du vent, ce vent qui véhicule et détermine les passions humaines.
Les processions sont impressionnantes ; elles mêlent des rites chrétiens, païens, sataniques. Au pied du « Rocher » se déroule une longue scène sacrificielle, apocalyptique mêlant les morts et les vivants. Sa noirceur contraste avec la transfiguration lumineuse de Dieumère, la mère de Filatelio. Elle seule éclaire le village perdu de Cocuan.
Natalia Garcia Freire nous propose un livre surprenant, étonnant. Son imagination est foisonnante. Elle nous convie dans un monde onirique, peuplé de cauchemars et d’hallucinations, dans un conte fantastique qui est une allégorie du mal.