“Le compte est bon” : Beau conte de Louis-Daniel Godin

Les bons comptes, dit-on, font les bons amis. Mais quid de la famille ? Ici, le dicton faillit. Il ne dicte pas de ligne conduite. Il ouvre une brèche. A-t-on une dette envers ceux qui nous aiment ? Quand le compte à rebours a-t-il commencé ? Qui tient les comptes des gains et des pertes ? Comment être sûr d’y trouver son compte ? Comment compter sur soi et, surtout, jusqu’à soi ?

Tâche d’autant plus difficile quand on a été adopté à l’âge de cinq jours. Comme c’est le cas du narrateur – et peut-être même de l’auteur ? – du Compte est bon. Le voilà alors lancé dans un décompte obsessif : ici 1 chocolat chapardé, là un billet de 20 dollars confisqué, sans compter les numéros de rue habités, les épisodes Des Chiffres et des lettres avalés ou les séances de psy non remboursées. Le psy, “l’homme qui écoute les histoires comme d’autres” les racontent. S’en racontent.

Avec ce premier roman surprenant, Louis-Daniel Godin interroge la consistance de nos identités. Celle-ci tient moins à un état civil qu’à notre capacité à faire travailler les écarts, à les rendre actifs et productifs, nous empêchant ainsi de nous enliser dans une norme ou nos souvenirs, de nous y atrophier. De la même manière, l’auteur se plaît à créer une brèche entre ce qu’il écrit et ce qu’il est. Sa langue se déploie comme une ritournelle, à l’image des histoires qui reviennent sans cesse, que l’on ressasse pour mieux les réécrire et, finalement, les prendre à notre compte. Tout simplement parce qu’elles comptent.