Un homme, une femme : « Comme en amour », le nouveau roman d’Alice Ferney décrit la belle amitié qui unit Cyril et Marianne, dans un texte sensible, d’une grande finesse psychologique.
C’était juste un entretien professionnel, mais dès la première rencontre leur complicité est évidente. Elle est mariée à Serge et a trois enfants. Marianne vit confortablement en banlieue, elle est styliste, créatrice de sacs à mains. Innovante aussi : son dernier modèle est destiné aux hommes. Cyril est célibataire, parisien, photographe, journaliste à ses heures. Grand lecteur nocturne, il vit de peu. Cyril trouve Marianne séduisante. Elle est attirée par son « état d’esprit », sa discrétion, sa délicatesse. Ils se revoient, s’appellent quotidiennement. Leurs dialogues sont féconds, leur amitié s’installe dans la durée. Elle devient leur bien le plus précieux, un univers juste à eux.
Lorsque le couple de Marianne se déchire, Cyril est son confident, il sait écouter sans juger. Pendant ce temps, Cyril file le parfait amour avec Julia mais « il ne sait pas mettre en route l’histoire ». Leur amour est menacé par le refus d’engagement de Cyril puis par celui, opiniâtre, de la paternité. La relation amicale entre Marianne et Cyril est mise à rude épreuve.
Alors que les personnalités de Cyril et de Marianne se dévoilent peu à peu, le-la lecteur-trice suit une à une les étapes de la naissance d’une grande amitié. Alice Ferney nous en livre les ressorts psychologiques. Le livre évoque parfois un essai sur le lien amical. Ses réflexions surplombent un peu le texte, donnant parfois, au début du livre, l’impression d’un regard externe sur les personnages. L’amitié entre Marianne et Cyril n’en est pas moins émouvante par la douceur, la tendresse, la profonde compréhension qui l’irrigue. Elle est vécue par les deux amis comme « une résistance aux exclusivités amoureuses et aux clichés de la séduction ».
Les problèmes de couple et les ruptures amoureuses vont percuter cette amitié. La douce ambiance initiale du livre va laisser la place à une tension dramatique croissante. Le si sensible, si délicat Cyril devient incompréhensible, antipathique peut-être. Son refus radical de l’engagement et de la paternité est glaçant. Les tergiversations de l’homme confronté à la paternité sont largement abordées par l’auteure. La tristesse s’empare du récit. Ce livre qui célèbre la force de l’amitié, en souligne aussi la fragilité face à des forces hostiles comme le jugement intempestif, la mauvaise foi, voire la trahison.
Et, au terme de ce récit poignant, si nous revenions à l’épigraphe du livre empruntée à Milan Kundera : « La fidélité à un ami est une vertu, peut être la seule, la dernière ».
Alice Ferney, Comme en amour, Actes Sud, 240 pages, 22 euros, sortie le 20 08 2025.