Dans le flot des sorties de cette rentrée littéraire arrive la traduction du premier roman, très remarqué, de l’américaine Claudia Craven. L’Affranchie est l’histoire d’une survivante, prostituée, au temps des plus purs westerns. Queer, trouble et surprenant.
La jeune Bridget a à peine passé la puberté quand son père meurt d’une morsure de serpent. Ce malheur suit une longue liste de catastrophes, y compris le décès de la mère lorsqu’elle a mis Bridget au monde. La jeune orpheline prend son destin en main, vend leur dernier âne, survit à la traversée de la plaine et décide de s’offrir une quinzaine de petits déjeuners copieux et de bains dans une pension. Elle se retrouve sans le sou à trimer pour survivre mais sa maîtresse la bat. Alors qu’elle meurt littéralement de faim, elle est repérée pour sa chevelure rousse par l’une des deux tenancières du Queen, le bordel un brin chic d’une ville de cowboys. Assez vite, la jeune femme se plait dans cet univers où elle mange à sa faim, où elle est entourée de femmes et où faire plaisir aux clients n’est pas si difficile…
Raconté du point de vue de cette petite très sensible et qui refuse la fatalité, L’Affranchie brille par sa langue à la fois très populaire, ancienne et précise qui parvient à recréer un monde (chapeau à la traductrice Carine Chichereau ! ). Par le monologue intérieur de le jeune Bridget, c’est malgré tout un point de vue féministe et queer que nous avons sur cette histoire qui nous happe complétement. Quelque part entre une héroïne de Dickens et La Petite de Louis Malle, Bridget est infiniment attachante dans sa quête de repères, son anticonformisme et sa manière de diriger sa vie sans aucune marge de manœuvre. Affranchie, amoureuse, dangereuse mais aussi très tendre, elle nous plonge avec son franc-parler dans un monde qui devrait sembler lointain mais dont les codes et la violence résonnent fort aujourd’hui.
Claudia Cravens, L’Affranchie, trad. Carine Chichereau, Les Escales, 352 p., 23 euros. Sortie le 29/08/2024.
Visuel : © Couverture du livre