Riton Liebman, artiste espiègle et résolument transgressif, a osé. Dans son premier livre, sorti ce mois, le comédien parle de ses débuts au cinéma. Il y brosse avec talent et avec une gourmandise pour un humour d’autodérision, un tableau pitoyable de ce milieu d’avant #metoo. Armé du même humour, il se désolera aussi de lui-même. Rafraichissant.
Bruxelles, 1977. Le jeune Riton Liebman, treize ans, s’ennuie. Pour tuer le temps, il décide de se présenter à un casting organisé par Bertrand Blier pour son futur film, Préparez vos mouchoirs. Dès que le gamin se met à parler, le réalisateur sait qu’il tient son personnage. Quelques mois plus tard, Riton partage l’affiche avec Carole Laure, Patrick Dewaere et Gérard Depardieu. Il est devenu la vedette du quartier et, à seize ans, part s’installer seul à Paris. Sa carrière est lancée… du moins, le croit-il. Le livre qui sort ce mois-ci revient sur ses événements. Avec humour et tendresse.
Nous connaissions déjà la plume acerbe et sarcastique de Riton Liebman pour l’avoir rencontrée dans ses deux pièces autobiographiques. En 2017, il choisit de mettre en scène son père Marcel Liebman. Brillant intellectuel juif, marxiste, pro-palestinien et père totalement permissif, Marcel a trahi sa religion, sa patrie et sa famille. Le texte est admirable. Riton Liebman partage avec Philip Roth un nez singulier et un talent pour le mot d’esprit et la dérision. La pièce contient un succulent witz sur Auschwitz. « Monsieur Liebman, c’est dommage que vous ne soyez pas mort à Auschwitz », dit Madame Friedman, ou Madame Katz, on ne sait plus trop. La pièce était faussement déstructurée. Émouvante délectation, elle était l’occasion de découvrir son talent de conteur.
En 2019, il récidive. Il écrit et interprète la pièce La vedette du quartier. Au centre de quatre projecteurs de cinéma, en pyjama, armé de son phrasé percutant et de sa bouille bonhomme, il raconte son tournage avec Depardieu et Dewaere puis des succulentes anecdotes de son musée intime. Tout avait commencé en 1977, Riton Liebman avait 13 ans. Au désespoir de sa mère, il est choisi pour tourner dans Préparez vos mouchoirs de Bertrand Blier avec Patrick Dewaere et Gérard Depardieu. Il quitte l’école qu’il fréquentait sans cœur et s’installe à Paris où il découvre les Bains Douches, l’alcool, les petits boulots et les castings. Et la dope.
Nous avions quitté la pièce sur une question laissée en suspens : Il est sympa Depardieu? De ce mystère, et d’autres aussi, il en témoignera dans le livre. Et révélons-le ici : Depardieu est tel que nous le découvrons récemment, graveleux, gaulois, grossier, sexiste, désagréable et terriblement autocentré. Le roman largement autobiographique revient sur ces événements. Il retrace, surtout et c’est le vrai bonheur de sa lecture, le parcours atypique d’un homme atypique. Il est l’occasion de passer un petit moment d’humanité et de déréliction avec un artiste qui aura muri un regard doux-amer sur le monde et sur lui-même.
La Vedette du quartier
Crédit Photo COuverture + Yves-Kerstius