Après Le Roman de Jeanne et Nathan (2023, prix Transfuge du premier roman), les éditions Actes sud publient le second roman de Clément Camar-Mercier, qui nous plonge dans les affres d’un jeune prodige de la tech.
C’est décidément le monde contemporain qui intéresse Clément Camar-Mercier, avec ses parts d’ombre, de contradiction et de paradoxe. Mais aussi les chemins de traverse qu’emprunte l’amour pour continuer, malgré tout, d’agir et d’exister. Aussi propose-t-il, dans La Tentation artificielle, de suivre les aventures de Jérémie, parvenu au haut de l’échelle sociale grâce à son génie du codage informatique, et d’Aurélie, son amour de prépa et, autant le dire tout de suite, l’amour de sa vie.
Tout commence comme une success-story comme seule la Silicon Valley en connaît : un jeune homme de la petite-bourgeoisie, isolé pendant l’adolescence en raison de sa fascination pour les algorithmes, grimpe les échelons jusqu’à polytechnique et séduit au passage Aurélie, issue, elle, de la grande bourgeoisie. Bref, un conte de fées moderne, perturbé toutefois – et comme il se doit – par une grossesse difficile, se soldant par la mort du fœtus et la séparation du couple.
Mais les pleurs et les malheurs, Jérémie les laisse aux imbéciles qui, contrairement à lui, n’ont pas compris que les sentiments étaient le fait des faibles. Il fait au contraire profession de n’être ému par rien et de remplacer toute considération morale par la beauté du langage binaire des machines qu’il conçoit. Ainsi de sa toute nouvelle création, Eliza, à qui il donne symboliquement le prénom de la fille qu’il devait avoir avec Aurélie.
Le personnage de Jérémie, au centre du roman, est donc un archétype, sinon une allégorie de l’alliance de la tech et de l’argent, voire un Faust 2.0, qui se voit en démiurge ultime. L’homme aux sentiments émoussés paraît programmé à toujours gagner plus et à mépriser ceux de ses semblables qui ne se seraient pas départis de leurs sensations et sentiments. Selon le même schéma archétypal, il semblera, un temps, trouver refuge à l’Abbaye de Solesmes.
La Tentation artificielle met ainsi en scène un stéréotype contemporain. Certes, le romancier joue avec cette dimension, métalepses et retournements de situation à l’appui. Toutefois, cette distance malicieuse de l’auteur avec les personnages qu’il a lui-même construits ne change rien au fait que ceux-ci restent réduits à des clichés un rien paresseux. L’écriture elle-même, à quelques exceptions près, passe par les stylèmes attendus pour ce genre romanesque, qui oscille entre dystopie parodique et satire ironique. Le tout reste agréable à lire, mais déjà vu bien des fois.
Clément Camar-Mercier, La Tentation artificielle, Actes sud. Parution août 2025.
Visuel : couverture (détail)